Interview ☭ Syd Matters

Le 30 Août dernier sortait Brotherocean, quatrième album de Syd Matters. Une fois n’est pas coutume, la pop poétique et délicate est au rendez-vous laissant cette fois-ci une large place aux harmonies de voix. Syd Matters se produisait à l’EMB de Sannois le 1er octobre dernier après une semaine de résidence à la rentrée, l’occasion de rencontrer Jonathan Morali quelques minutes avant de monter sur scène.

Peux-tu nous parler de la conception de Brotherocean ?
Je ne me suis pas dit que j’allais faire un disque. Je me suis posé après la sortie de Ghost Days qui avait été très difficile à réaliser, c’était une période très sombre. J’avais envie de composer des morceaux plus ambitieux, qui ne reposent pas sur une simple mélancolie. Du coup, j’ai beaucoup composé, tout était très facile ce qui n’est pas bon signe en général et j’ai effectivement fini par tout jeter. Ensuite j’ai tout repris à la base, le processus a été très long d’autant plus que j’étais très exigeant. Je ne voulais pas faire les choses à moitié, c’est l’album qui m’a pris le plus temps.

Je trouve que Brotherocean retrouve le côté très lumineux de Someday we will foresee obstacles. Avais-tu envie de revenir à plus de luminosité ?
Non je voulais aller de l’avant, assumer beaucoup plus les voix et expérimenter de nouvelles choses. Someday était le premier disque enregistré en studio, c’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de textures dessus. Je n’avais pas envie de revenir à une atmosphère déjà créée.

Tu as démarré ta carrière en travaillant seul puis tu as laissé davantage de place au groupe qui joue avec toi. Quel est désormais le degré d’implication du groupe ?
Je commence par composer à la maison, j’arrange et j’apporte des maquettes assez produites au groupe dès que cela me parait écoutable. On commence ensuite à travailler ensemble sur la structure et les arrangements. Ca s’est toujours passé à peu près comme ça mais aujourd’hui cela fait 7 ans que l’on joue ensemble donc leur place est plus importante. On se comprend beaucoup mieux et on va tous dans le même sens, ils apportent naturellement des choses aux morceaux que je serai incapable de trouver seul. Je leur donne un cadre dans lequel ils savent trouver leur place, leur force est de ne jamais prendre un parti pris à l’inverse du morceau.

J’ai lu dans une interview que tu avais eu envie d’oublier les repères et les automatismes que tu as créés en composant les précédents albums.
Tout à fait, je voulais remettre tous mes choix en question, prendre des instruments avec lesquels je suis moins à l’aise pour moins maîtriser ce que je faisais. J’adore composer avec un instrument puis jouer cette partie avec un autre, cela change complètement la manière de jouer. Lorsque j’ai composé au piano puis que je suis passé à la guitare par exemple, mon jeu s’est enrichi de nouveaux sons. J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer de manière non instinctive.

A la première écoute l’album m’a semblé plus dépouillé et direct que les précédents puis au fil des écoutes j’ai trouvé qu’il y avait énormément de textures et d’arrangements. Je n’arrive pas à définir laquelle de ces idées est la plus proche de l’album. De ton côté comment le perçois-tu ?
Pour moi, il est beaucoup moins dépouillé mais certainement plus clair. Mon ambition est de faire des chansons complexes sans qu’elles soient difficiles à écouter. Il faut que cela coule tout en gardant une architecture derrière qui va beaucoup plus loin que ce à quoi l’on pourrait penser. Si les gens découvrent de nouvelles choses à chaque écoute, cela me fait extrêmement plaisir car tout a été très travaillé.

Tu es très influencé par la littérature et je trouve qu’en écoutant tes albums, on retrouve cette sensation très visuelle propre aux livres. Selon toi, est-ce l’influence majeure de la littérature sur ta musique ?
Je n’analyse pas trop cela, j’aime juste le rapport intime que l’on a avec la littérature. Lorsqu’on lit un bouquin, il n’y a personne d’autres, juste cette musique intérieure. Je pense que cela se retrouve dans ce que je fais. J’aime l’idée que ma musique puisse se mélanger aux pensées et à la propre histoire des personnes qui l’écoutent. Je veux que mes chansons ne soient pas trop typées pour qu’elles ne s’inscrivent pas dans un style visuel déjà connu comme c’est le cas par exemple, si tu entends une guitare country et un harmonica où tu penses tout de suite à un western. Mes albums préférés sont ceux pour lesquels j’ai mes propres images et j’aimerai qu’il en soit de même avec les miens.

Pourquoi as-tu décidé de retranscrire des rêves sur certaines chansons de l’album ?
Je ne me suis souvenu d’aucun de mes rêves pendant 10 ans. Je ne m’en rendais pas compte jusqu’au jour où je me suis réveillé avec un rêve hyper riche en tête. Cela a dû venir d’un nouvel état d’esprit, toujours est-il que j’ai trouvé cela très exaltant. J’ai retranscrit certains rêves sur 3 chansons de cet album. Je travaille en dormant, c’est plutôt pratique ! Je m’endors avec un carnet à côté de moi, j’en ai noirci plusieurs.

Un EP est sorti en amont de l’album en juillet. Pourquoi cette démarche à quelques semaines de la sortie de Brotherocean ?
C’est une histoire de maison de disques pour présenter l’album et faire du buzz avant la tournée des ballades sonores. C’est tellement dur de sortir un disque de nos jours, cela me fait toujours plaisir d’en sortir un. J’ai essayé de construire un EP cohérent autour de « Hi-life » car je suis très attaché au format de l’album, chaque chanson a un sens. Je ne voulais pas de chansons éparses contrairement à la maison de disques qui aurait bien aimé sortir des inédits.

J’ai été étonnée d’apprendre que tu disais « ne pas avoir la culture de la peinture et des arts graphiques » car les pochettes de tes albums ont toutes un grand sens graphique. Quelle importance tient l’artwork d’un album pour toi ?
J’y suis très attentif, je donne des directions mais je dois surtout m’entourer de personnes qui savent le faire. Pour le premier, j’ai fait appel à JM. Tixier car j’adorais ce qu’il faisait et je sentais qu’il y avait un lien entre ses œuvres et ma musique. Pour Brotherocean, j’ai aussi travaillé avec un ami, je lui ai montré ce que j’aimais et ce qui semblait coller à ma musique mais je lui ai laissé 99% du travail. Je ne suis pas douer pour trouver des idées graphiques, je me contente de ce que j’aime.

On est aujourd’hui à l’EMB après une résidence pour la préparation de la tournée. Vous allez jouer ce soir avec les chœurs de l’école de musique de Sannois, comment s’est passée la rencontre ?
Tout s’est très bien passé, c’était la première fois qu’on travaillait avec un chœur de jeunes filles qui ont entre 15 et 18 ans. Je ne savais pas si j’étais capable de présenter ma musique à de jeunes chanteuses mais tout s’est passé très naturellement. Elles sont adolescentes donc encore très timides et on sent en même temps qu’elles ont envie d’envoyer pleins de choses. Olivier et Clément qui savent écrire la musique, leur ont apporté une approche plus pédagogique.

Vous êtes-vous appuyés sur ce qui a été fait pour la tournée « Ballades Sonores » cet été ?
C’était un peu différent mais les nouveaux morceaux se prêtent à beaucoup de voix, il y avait de la matière pour 10 choristes. Les ballades sonores nous ont aidées, on a pris l’habitude d’ouvrir les morceaux à des personnes extérieures au groupe. C’est très différent dans la forme mais pas tant que ça dans le fond.

Tu dis ne plus écouter Pink Floyd car tu les as tellement écoutés, que tu finis par les intégrer. Quels autres albums ou artistes te font le même effet ?
Ce sont majoritairement les albums que j’écoutais étant adolescent. J’ai tellement décortiqué Pink Floyd que je connais leurs albums. C’est très étrange de les écouter car je peux le faire uniquement par la mémoire. Nirvana me fait le même effet, j’ai récemment réécouté In Utero qui était parfaitement conforme à l’idée que j’en gardais. Le moindre souffle est gravé dans ma tête. J’ai quelques bibles comme celles-ci que j’ai parfaitement intégrées.

Il parait que Paris Hilton figure dans ton I-pod, elle fait partie de tes bibles ?
J’ai appris qu’elle était dans mon I-pod en même temps que je l’ai dit, j’ai fait cette découverte lors d’une interview. Tu sais ce que c’est, parfois tu te mets sur l’ordi d’un pote, tu copies toute sa discographie et tu te retrouves avec Paris Hilton dans ton lecteur. Je ne l’ai jamais écoutée mais j’assume même si on ne manque pas de me chambrer. Je suis plutôt content de ne pas l’avoir acheté, je ne l’ai pas enrichie un peu plus.

Merci à Jonathan et à Matthias.