Slipknot ✖︎ We Are Not Your Kind

20 ans de carrière, 5 albums, 9 membres, un décès, 2 départs des membres historiques et pourtant, Slipknot déboule avec We Are Not Your Kind. Porté par des critiques élogieuses et par un Corey Taylor en furie suite à un divorce douloureux, ce disque regorge de surprises et mérite toute notre attention.

Les masqués n’ont jamais fait dans le compact, leurs albums sont longs et se retrouvent agrémentés de titres bonus lors de rééditions. Shawn Crahan, clown et grand manitou de la bande, a annoncé avoir jeté 18 titres complets avant de sélectionner les 14 de la tracklist. Parmi elles, 3 interludes composant une nouvelle entrée dans leur univers sonore. Loin des « (515) » ou de « 742617000027« , aucun cri à l’horizon mais des nappes sonores évoquant John Carpenter et participant lourdement à l’atmosphère très réussie de l’ensemble. Gardées dans un coin par le clown, ces pauses instrumentales méritent leurs places et amènent une respiration sans être les seules nouveautés apportées.

Un chantier.

Bien sûr, les rouleaux compresseurs sont de sortie et « Orphan » et « Red Flag » déploient un arsenal prêt à vous ravager les cervicales : batterie marteau piqueur, une usine de percussions, guitares aiguisées et scratchs en mode Thermomix. « Unsainted » et « Birth of A Cruel » font également dans l’efficacité et dans l’heavy en marquant des points dans nos cœurs de pogotteurs, sans rejoindre le panthéon du groupe dans ce registre. La seule baisse de régime vient de « My Pain » . Essayant de concilier ambiance et émotion, elle s’étire inutilement sur plus de 6 minutes avant que l’album ne se termine. Des longues plages creuses qui se multiplient sur certains titres de la deuxième moitié de la tracklist, pour l’ambiance au détriment du rythme. « Not Long For This World » et ses riffs plus-metal-tu-meurs ménagent déjà mieux les stops & go sans se prendre les pieds dans le pit. Mais c’est « Soulway Firth » en toute fin qui rafle les suffrages. Elle dévoilait la présence de chœurs d’enfants pour soutenir la voix de son interprète mais c’est souvent tout le groupe qui se colle à l’exercice et plusieurs titres ont des backings apportant coffre, mélodie et intensité aux morceaux.

Parmi les meilleurs titres, « Nero Forte » impressionne très vite et bénéficie de cet effort collectif qui donne le sentiment d’être submergé par la puissance d’une armée de mecs décidés à nous en mettre plein la gueule tout en variant la façon de leur faire. « Spiders » évoque du Nine Inch Nails ou même au meilleur de Marilyn Manson : encore une fois, une prouesse qu’on n’attendait pas ici et qui montre aussi tout ce qu’un autre projet comme Stone Sour n’a jamais réussi à accomplir.

You Are Our Kind.

Deux membres éclaboussent de leur force le disque : l’explosif Jay Weinberg à la batterie et l’inénarrable Corey Taylor. Sa versatilité vocale n’est plus à démontrer mais en être témoin une nouvelle fois n’en rend pas l’exploit moins grand. Dans un genre où il est difficile de ne pas sombrer dans le ridicule et de se renouveler en termes de thèmes abordés, il ressort encore comme le roc de ce chaos organisé.

Slipknot a su s’adapter au temps et aux éléments, sans trop perdre en crédibilité, ni en force. Si l’on regarde les vingts dernières années de la scène métal mainstream, ils font partie avec Deftones des rares groupes dont on peut encore avoir envie d’écouter le nouveau disque sans avoir la sensation de regarder un crash de voiture au ralenti. Doté d’une production musclée, claire et rendant complètement justice à la folie de ces compositions et notamment aux percus du Clown, We Are Not Your Kind fait l’effet d’une bombe. A l’image d’un Pale Emperor pour Manson récemment, il éclate par son efficacité, sa recherche, sa variété. On oubliera les quelques longueurs et les pertes de rythmes pour les zapper et se concentrer sur la sévère dose de claques que l’album assène.