INTERVIEW – J. BERNARDT

Co-chanteur de Balthazar, J.Bernardt revient avec un nouvel album de son projet solo. Sept ans après Running Days, le voici avec Contigo que nous avons pu voir prendre vie pour la première fois lors d’un concert acoustique joué aux Studios Saint Germain bientôt diffusé sur CultureBox.

C’était intéressant de voir l’album prendre vie de cette manière, en acoustique.

Surtout que la plupart des gens dans le public ne le connaisse pas encore puisqu’il ne sort que quelques semaines après le tournage. C’était un peu bizarre parce que l’album n’était que pour moi pendant longtemps donc ça fait quelque chose de le faire découvrir de cette manière. C’est d’ailleurs la première fois que nous jouons quoique ce soit du nouvel album en public. Avec le groupe, nous avons commencé les répétitions il y a 4 jours. C’est excitant cet entre deux. J’adore jouer en acoustique parce que ça peut un révélateur ou une catastrophe. (rires)

Ce disque est très important pour moi, les paroles n’ont jamais été aussi personnelles. Une chanson comme Let The Bathroom Sink me paraît assez étrange à interpréter mais c’est aussi pourquoi je l’ai écrite, pour retirer ce poids de ma poitrine. J’ai vraiment apprécié la jouer pour la première fois aujourd’hui.

Sept ans depuis ton album solo précédent. Comment as tu ré-enclenché le projet et quel a été le moteur ?

Toute la période autour de Running Days était vraiment très différente. A cette époque, j’avais vraiment envie de tout faire par moi-même : enregistrer, produire, arranger, tout. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais besoin de cet exercice solitaire. Cette fois, il s’est passé tout le contraire. Je ne voulais plus utiliser de synthés. Si tu écoutes ce que l’on fait avec Balthazar, tu retrouveras plus ce que j’aime construire en termes d’univers sonore. J’ai vécu une rupture très difficile et je me suis retrouvé six mois sans écrire de chansons. Ce qui pour moi est très long, c’était comme un syndrome de la page blanche. J’ai réussi à me remettre à écrire car j’ai du le faire pour traverser cette période. Je suis du genre à lever les yeux en l’air quand j’entends que la musique est là pour guérir ou connecter avec les autres car ça sonne très cliché mais… ça m’est vraiment arrivé. (rires)

Plus je vieillis, plus je suis d’accord avec cet adage. C’est extrêmement cliché de chanter à propos d’une rupture mais quand tu l’as traverses, tu te dis que rien d’autre compte.

Ou alors tu en parles avec tes proches.

Je l’ai fait aussi et ça les a fatigué ! Toutes les phases de la rupture sont donc présentes ou représentées au sein de l’album. Je ne voulais pas être dans la colère, je voulais avancer, être reconnaissant de ce qui s’est passé. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive mais ça m’a paru comme la plus importante. Je n’avais pas envie d’approcher ça musicalement avec des synthés parce que je ne voulais pas me retrouver seul. C’est pourquoi j’ai invité des amis en studio pour écrire de la musique, c’était très cool. A l’ancienne, jouer de son instrument ensemble dans la même pièce, se faire confiance et essayer de trouver la petite étincelle qui va donner le morceau final : c’était fun. J’ai adoré. C’est particulier de chanter à propos d’une rupture continuellement parce que ça ressemble à du sabotage. Tu as envie de l’oublier à la base, tu ne veux pas en parler ou y penser en permanence.

Cette approche collective a amené une touche proche de la ‘chanson’ française, très soignée. Ca vient sûrement de mes racines de violoniste. Je voulais peut-être revenir à mon enfance et à mes débuts en musique. C’est vraiment l’album le plus honnête que j’ai pu faire jusqu’à présent, je ne pensais à rien de particulier, je ne voulais rien prouver. J’essayais juste de me retrouver dans cette période de turbulence.

Si tu écoutes les compositions et les arrangements, tu peux y retrouver un mélange de ce que j’ai pu faire dans le passé. Mais les paroles sont très nouvelles pour moi, je n’avais rien écris d’aussi personnel. Ca fait du bien, je suis très excité de le partager aux autres après deux ans de travail. Le partage, c’est ce pourquoi on fait de la musique. Je dois par contre m’y habituer. Rien que ce concert acoustique, certaines chansons étaient difficiles à jouer. J’avais une aversion pour ces musiciens qui se plaignent de la difficulté à jouer leurs chansons et maintenant, je suis l’un des leurs. (rires)

L’univers de l’album est très marqué dès les premières secondes avec cette intro instrumentale. Le résultat sonne comme du velours, tout est très doux, soigné. A chaque fois avec Balthazar ou vos autres projets comme le Ha Ha Heartbreak de Warhaus, on a l’impression que vos disques coûtent chers tellement ils sonnent bien. Cette qualité de production et aussi le sens de la narration donnent envie de creuser.

Pour être honnête, je crois que le dernier Warhaus et celui-ci doivent être les albums les plus chers qu’on ait produits !

Ce qui est drôle avec ce concept d’album de rupture, c’est que tu veux qu’il soit parfait. C’est un peu l’unique réponse que tu as face à ce qui t’es arrivé. Pour te donner un exemple, l’intro de l’album : on l’a enregistré deux fois en mono, puis pressée en vinyle pour ensuite l’enregistrer deux fois à partir du vinyle. Afin d’avoir une patte vintage et d’éviter un côté trop propret et sans âme. Tu dois passer par ces étapes et des résultats foireux avant d’atteindre ce côté quasi cinématographique que je recherchais.

Pour cet album, j’avais envie que les gens écoutent ce que je suis en train de chanter donc l’idée était que la musique serve de bande-son pour l’accompagner. Comme celle d’un film. La voix a donc sa place et la mélodie est là pour y ajouter un caractère dramatique. C’est aussi pour ça que nous avons utilisé des instruments comme le Mellotron. La fin de l’album avec les cordes est aussi une manière d’y aller à fond et de ne rien regretter. Une fois fini, j’étais très content de l’avoir fait. Avant, j’aurais regardé ça avec dédain ou peur mais là, c’est exactement ce que je voulais. Running Days était sûrement un disque où j’avais envie de paraître cool alors que Contigo, je l’ai vraiment fait pour moi.

 

Justement, ça a du te faire bizarre au début de partager cette histoire si personnelle avec tes collaborateurs et amis dans le studio. Comment vous avez abordé la composition des morceaux ?

J’avais déjà une grande partie de la structure des morceaux. Par contre, j’ai lâché du leste. Avant, j’étais un control freak avec une idée précise de comment doit sonner chaque note de basse en exigeant que les parties soient jouées de cette manière. Là, j’ai fini les démos pour donner une direction claire aux musiciens et ensuite, j’ai pris le temps nécessaire pour fignoler les paroles. Les musiciens sont des amis de très longue date et on travaille ensemble depuis un bail. Ils ont été très chaleureux, c’était exactement ce dont j’avais besoin. Je me suis senti très à l’aise, en sécurité et en confiance. C’était comme une thérapie en quelque sorte. (rires)

Pour les voix, j’essayais dans le passé de la jouer assez sobre et cette fois, j’ai aussi essayé de me pousser dans mes retranchements. Ca me fait peur car je déteste quand les chanteurs ont tendance à en faire trop, je pense tout de suite à Céline Dion. C’est le septième disque que j’écris, tous projets confondus et j’aime voir les aspects que je dois approfondir et travailler.

De manière générale pour ce disque, j’avais vraiment besoin de sortir de ma propre tête ou j’allais devenir fou.

Tu as un profil touche-à-tout proche d’un one man band où tu peux tout faire: chanteur, compositeur, musique, arrangeur, producteur, ingénieur, programmeur. Sur ce disque, tu savais quels rôles tu voulais endosser et comment t’entourais pour ce que tu souhaitais déléguer ?

Non, j’ai mis des chansons de côté parce qu’elles ne convenaient pas à cet album là. Les arrangements et le groove sonnent différemment. J’ai donc déjà des chansons pour le suivant. Ici, j’avais les titres qui sonnaient pour être ensemble. Souvent, tu dois te restreindre pour réussir à sortir le meilleur de toi-même mais ce n’est pas comme ça que ça a fonctionné ce coup-ci avec cette orientation pop cinématographique.

Pour le titre de l’album, Contigo : comment s’est-il révélé ?

La différence entre cette rupture et les précédentes, c’est que j’étais plus dans une attitude « Oh, va te faire foutre… » dans le passé. Cette fois, je me disais que c’était la dernière fois que j’allais chanter à propos des années passées avec elle. Ca peut sonner ringard mais j’ai trouvé que c’était la meilleure manière de voir les choses du bon côté. J’ai appris énormément. Par exemple sur ‘Last Falls’, je parle du fait de m’être laissé ruiner mais j’ai quand même vécu de très bons moments. C’est différent d’avoir la confiance d’avouer qu’on a été complètement dévasté par quelqu’un. Pour autant, je suis reconnaissant pour ce que j’ai appris. De la personne ou via la relation que j’ai eu avec elle.

Je n’ai pas choisi le titre mais il était partout dans les choeurs. Ce sont même les premiers mots que tu entends et tu as la chanson titre également, je le voyais partout. Le fait qu’il soit en espagnol sonne plus exotique pour moi et élève un peu le propos. C’est venu naturellement et ça a fini par me faire marrer donc j’en ai fait des casquettes. Je voulais que ça ait l’air cool, bien qu’Enrique Iglesias ait aussi une chanson qui s’appelle pareil. Mais je m’en fous, on peut tous faire ce qu’on veut ! (rires)

En résumé, ce titre en dit long sur la manière dont je voulais aborder la rupture. Je ne voulais pas parler de la souffrance mais plutôt célébrer une dernière fois, comme danser une dernière valse. 

Je reviens à Warhaus parce qu’il y a une coïncidence assez hallucinante sur l’histoire de vos albums respectifs. Je suppose que vous en avez beaucoup discuté avec Maarten, non ?

C’est très drôle parce que nous n’avions vécu jamais de rupture au même temps. A chaque fois l’un apprenait la nouvelle à l’autre, le regardait et se disait : « Oh, mon dieu… ». C’est un vrai luxe d’avoir l’opportunité de faire des projets solos parce que ce serait très difficile d’incorporer ces histoires au sein d’un groupe.

Quand j’entends des gens dire que ça sonne comme Balthazar, j’ai envie de leur demander de prêter attention aux paroles parce que le sujet est complètement différent. Tout ce que l’on travaille musicalement quelque soit le projet est de toute façon une collection et représente notre état d’esprit au moment T. Ici pour Maarten et moi, nous avions ce besoin urgent de se sortir de cette période difficile avec nos albums respectifs. Après, nous avons nos ressemblances mais c’est à force de trainer ensemble : je suppose que c’est pareil que les nonnes qui ont leurs règles en même temps après avoir vécu ensemble un certain temps.

Cliquez ici pour retrouver notre interview de Warhaus, le projet solo de l’autre chanteur de Balthazar

Sais-tu comment vous allez faire vivre les morceaux en tournée ?

Je sais ce que j’ai envie de faire. Sur l’album précédent, on était en trio mais c’est surtout parce que je n’avais pas d’argent. Maintenant, on va pouvoir être 4. Je ne veux pas la jouer électronique comme la dernière fois parce que ça sonnait pratique. Je veux que ce soit musical et convivial. On sera avec un clavieriste, un batteur, un bassiste et moi à la guitare. J’ai envie de jouer, de kiffer et de partager ce disque le mieux possible. Je n’aime pas vraiment le côté performer que l’on peut associer à la musique. Je ne crois pas à l’aspect divertissement donc pour moi, ça a toujours été de jouer avec beaucoup de personnalité. Je ne pense pas que ce sera difficile de marier les deux albums entre l’aspect électronique d’un côté et mélancolique de l’autre. On a la chance en passant d’un projet à l’autre d’apprendre énormément et de pouvoir changer pas mal de choses à travers Balthazar également. Pour Contigo, on ne va pas suivre les arrangements, on va se fier à nos émotions en jouant les morceaux : ce qui est a un impact assez important sur le résultat final.

Pour finir, quelle est la dernière chose qui t’as fait rire ?

Chanter en français ‘Non, non rien n’a changé’ des Poppys devant des français.

J Bernardt sera entre autres à Bruxelles le 21 mai au Botanique, à La Boule Noire à Paris le 27 mai et au festival Rock Werchter le 06 juillet.