INTERVIEW ☭ TAUR – PROJET 40

À peine le confinement annoncé, l’ami TAUR (Mathieu Artu de son vrai nom) décidait de se lancer dans un projet musical collectif avec un mot d’ordre, 40 artistes pour 40 minutes de musique pendant la quarantaine ! Sorti ce vendredi, l’album rassemble au final 56 artistes pour quasiment une heure de musique sur laquelle il joue les chefs d’orchestre et organise les participations de chacun.e. On a décidé d’en parler avec lui par téléphone puisqu’il s’agit AUSSI d’un projet caritatif qui rassemble des noms tels que les Naïve New Beaters, Malik Djhoudi, Canine, Inüit, Alex Gopher et j’en passe… (crédits complets en fin d’article).

CONTAGION MUSICALE.

Salut Mathieu, avant toute chose, peux-tu me dire comment est né ce projet « 40 » ?

Le projet est né de l’angoisse et de l’ennui on va dire (il se marre). Quand le confinement a été annoncé, j’étais avec ma copine, chez moi, j’avais envie de faire de la musique, de bosser sur la finalisation de mon album mais j’avais pas trop la tête à ça. Et je me suis rendu compte que j’avais envie de faire de la musique, juste autrement. C’est en discutant avec des potes, de notre envie de faire des titres ensemble, que j’ai fini par me dire autant le faire avec plein de personnes ! Puisque tout le monde était chez soi, profitons-en pour faire un truc impossible en temps normal, c’est-à-dire faire collaborer plein d’artistes sur une même base. Me connaissant, c’était aussi une bonne échappatoire pour être franc, m’éviter de trop penser à ce qu’il se passait.

En plus, je crois savoir que vous reversez ça aux Hôpitaux de France, je me trompe ?

Exactement ! C’est quelque chose que je voulais faire depuis le début même si je ne l’ai pas annoncé tout de suite car ce n’était pas évident à faire. Comment gérer l’idée des revenus sachant qu’on est tous des artistes avec des engagements de labels etc… Et puis à force de négociations et de discussions, j’ai pu trouver un système afin de leur reverser tout ce que l’on pouvait.

« Ça a été un bon projet pour profiter du réseau en découvrant des amis d’amis à qui je proposais de participer. Il y a aussi eu des départs, des gens que j’avais annoncés et qui ne sont pas restés.« 

Comment as-tu fait pour toper tous ces artistes ? Les copains des copains, j’imagine ? T’as bossé en mode circuit court de la musique, c’est ça ?

Carrément ! J’avais fait une annonce sur Facebook, Insta, j’ai eu pas mal de gens qui sont venus vers moi et d’autres que je suis allé chercher. Des gros, des petits. Des gens que je découvrais, mine de rien, ça a été un bon projet pour profiter du réseau en découvrant des amis d’amis à qui je proposais de participer. Il y a aussi eu des départs, des gens que j’avais annoncés et qui ne sont pas restés.

SINCÈRE RAOUT.

Est-ce que t’as été surpris d’avoir pu choper un artiste en particulier dans cette super liste de 56 artistes ?

Ouais peut-être bien Malik Djoudji même si ça reste un ami d’ami. Ça s’est fait assez naturellement, j’ai pas bataillé pour avoir quelqu’un, du coup, j’ai pas l’impression qu’il se soit passé quelque chose de fou. Au début, je me disais que Yuksek c’était cool mais il a abandonné le navire dès la première semaine en regard du taff à fournir, parce que oui, c’était énormément de boulot. Donc non, au final, pas tant que ça, même les Naive New Beaters, ce sont des gens que je connais via BETC (ndlr : l’agence qui bosse avec TAUR sur une partie de sa com). Pas de grande surprise, c’est pas comme si y’avait Céline Dion (ndr : on se marre) ! Mais beaucoup de plaisir à voir tous ces artistes participer, c’est évident.

 

Quelles ont été les principales difficultés sur ce projet ? Les délais de ouf, j’imagine pour toi qui servait AUSSI de chef d’orchestre……

Ouais, c’est vrai mais mon plus gros boulot a été de motiver tout le monde, tout le temps, surtout quand tu ne disposes que du canal mail. Mais je crois avoir su le faire vu que pas mal de personnes semblent être contentes du projet, que ça s’est super bien passé, etc… J’ai eu des embûches quand même. Pour la publication, la gestion des labels quant aux droits de diffusion que chaque artiste laissait, ce qui était assez complexe. Même la mise en ligne, ça fait seulement 3 jours que je sais à 100% que ça sortira vraiment vendredi. Même l’organisation avec des fichiers Excel de 40 000 lignes.. Et mine de rien, la gestion de l’égo ! Y’a pas eu de gros souci mais quand tu prends certaines décisions, cela peut interpeler la personne en face, ce qui est compréhensible. J’avoue, des fois on m’envoyait des choses que je décidais de ne pas garder. Mais quand tout le monde a entendu le résultat final, ils étaient tous refaits donc, tant mieux !

«  Je voulais vraiment que ce soit de la collaboration et pas des pistes originales avec le nom d’un artiste. Ça a permis à chacun de se lâcher au final.« 

Je suis pas étonné, j’ai vu qu’en général, chaque titre implique 5-6 artistes, c’est juste ouf quand tu penses que certains, dans un même groupe, n’arrivent pas à se mettre d’accord…. Comment tu as réparti les rôles dans ce projet, est-ce que tu attribuais des instrus tout ça… ?

Y’a pas vraiment eu de notions d’instrus, de qui fait quoi… J’ai fait un appel à idées originales, j’en ai reçu une centaine. Je les ai triées par style, par vitesse et par personne, j’ai ensuite tout anonymisé. Et à chaque fois, je me disais « qui peut challenger, qui peut agrémenter cette piste-là » puis j’envoyais et je leur disais qu’ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient, tant qu’ils gardaient la base de la piste originale. Finalement, il y avait peu de guidelines, en tout cas, jusqu’aux 3/4 du projet. J’ai alors commencé à orienter en disant « tiens là, il faut finir la prod’, là, rajouter une voix, etc… »

Justement, j’allais te demander s’il y avait eu une ligne directrice particulière ou si cela avait évolué de soi pour ce projet « 40 » ?

Non, je voulais vraiment que les gens se sentent libres, surtout en cette période de confinement. Et puis je voulais vraiment que ce soit de la collaboration et pas des pistes originales avec le nom d’un artiste. Ça a permis à chacun de se lâcher au final.

UN PROJET CONTAGIEUX.

Et tu t’imaginais à un moment que le projet évoluerait de cette manière-là ? ?

(Il réfléchit) Je crois que oui… Je voudrais pas faire le faux modeste donc je vais te dire oui. J’avais confiance en ma capacité à gérer ce projet. Je ne pouvais pas ne pas sortir le truc, l’abandon n’était pas une option. Donc je savais que ça allait exister, de là à te dire que ça allait être aussi bien, non ! Franchement, je suis ultra étonné de la qualité et de l’homogénéité de la chose..

« Je voulais que ce soit une photo d’un moment et pas les Enfoirés version indie, tu vois…« 

Question ambitieuse, est-ce que tu penses faire vivre cela dans le monde réel, genre t’as imaginé un truc live ou quelque chose du genre ?

Je pense pas. Tout simplement car on commence à retrouver les emplois du temps d’avant, tout le monde est de nouveau éclaté et ce serait très compliqué de se retrouver. Et puis je voulais que ce soit une photo d’un moment et pas les Enfoirés version indie, tu vois ? Et puis ce serait ultra compliqué tellement il y a d’artistes par piste. À la limite, on pourrait peut-être faire un titre si j’invitais quelques artistes chez moi mais au final, ça me parait impossible à organiser.

Est-ce que ça t’a donné envie de faire d’autres projets de ce type ou même une collab’ plus spécifique avec certains artistes ?

D’autres projets de ce type, non. C’était vraiment particulier pour moi. Après, avec Pierrick Devin (ndlr : qui produit l’album), ça nous a donnés des idées, peut-être que ça nous donnera envie de faire quelques trucs dans quelques temps mais en sous-marin. Mais en revanche, ça m’a motivé à collaborer plus et à travailler avec les artistes pour les accompagner, composer, créer avec eux. Ça m’a sorti de mon isolement on va dire. Mais j’avoue, je fais jamais rien pour rien. Il y a toujours une part de psychologie, de volonté de dépassement… Et en fait, cela faisait quelques années que ma maison de disque me disait que je devrais collaborer plus, parce que ça pourrait ouvrir mon univers, etc… Alors que j’avais pas trop envie car j’ai une bataille à gagner contre moi, tu vois ? Et au final, j’ai kiffé de le faire sur cet album. La preuve, c’est que durant les 2 semaines qui arrivent, j’ai 5 artistes qui vont venir chez moi pour qu’on écrive des titres ensemble.

 

Super ! Justement, je sais que « 40 » t’a pris un temps de dingue mais du coup, je me demandais comment et si ça allait transpirer sur ta propre prod’ avec TAUR…

Oui même si sur ce projet, j’ai beaucoup insisté auprès des autres artistes pour dire que ce n’était pas un projet TAUR, je ne veux pas me mettre en valeur sur ce projet. Il s’agit avant tout d’une collaboration, même si j’ai organisé et forcément fait la promo, mais il n’est pas estampillé en tant que projet personnel. Mais oui, j’avoue que mon album, lui, est vraiment sur la fin. Et le fait de collaborer avec autant d’artistes, ça m’a pas mal remis à ma place. Où je me dis « tiens ouais, je pourrais pousser une peu plus telle émotion, telle sonorité, etc.. » Et ça m’a pas mal reboosté, même en termes de liens, avec ma maison de disques.

Alors, si je peux me permettre, quel est l’horizon pour toi en termes de sortie sur ton premier LP ?

Rien de concret pour l’instant mais on doit avoir entre 12 et 14 titres, on a 3 titres mixés, masterisés, on devait même aller aux États-Unis tourner un clip en avril, pour une sortie de titre en Juin. Du coup, tout a été remis en question. Au final, il est possible que l’on sorte l’album avec une piste qu’on mettra en avant. Là les rendez-vous reprennent et l’album devrait se terminer pour la fin de l’été. On fera un rendez-vous d’écoute/finalisation en septembre pour un horizon de sortie en janvier/février 2021…

Et bien merci pour ton temps Mathieu, c’est toujours un plaisir de discuter ensemble !


J’en profite pour rappeler que les droits de diffusion seront intégralement reversés à la Fondation des Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France.


Les artistes présents sur « 40 » sont :

Naive New Beaters, Malik Djoudi, Canine, Inüit, Alex Gopher, TAUR, Clou, Ana Zimmer, Praa,
BLOWSOM, Jonathan Kapela (Batteur Angele et Eddy De Pretto), Degree, LAAKE, Bamin, JOKO,
Jabberwocky, Tallisker, Temple Kid, Leofiftyfive, Diego Chappedelaine, Timsters, Arno Monni,
Sebastien Benoits, William Robertson, Roméo Thiebaut, Douglas Phantasm, LUCASV, Ambre
Tholance, Pierrick Devin, Lonely In The Rain, Thomas Rasoanaivo, Wetrust, Bertrand Poncet, Eric
Poncet, Simon Lescure, Felix Lejeune, Gianni Messia, Matthieu Seignez, Molpé, Clément roussel,
Mourir En Août, YARHN.

Les ingénieurs du son qui ont mixé cet album :

Pierrick Devin, Frederic Deces, Clement Roussel, LUCASV, Thomas Rasoanaivo, William
Robertson, Hugo Barré

L’ingénieure du son qui a masterisé cet album :
Marie Pieprzownik – TransLab