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INTERVIEW ☭ MINI MANSIONS

Une heure après la fin de leur excellent et bouillant concert sur la scène de la Cascade, me revoilà avec Tyler Parkford des Mini Mansions pour discuter de l’histoire de leur nouvel album, Guy Walks Into A Bar… Deuxième rencontre pour nous après une première interview lors de leur ouverture pour Royal Blood à l’Olympia en 2015.

Alors Tyler, bien remis de ce concert sous le soleil écrasant : que s’est-il passé avec votre matériel ?

Tout est tombé en panne, littéralement. Que veux-tu faire avec ça : on l’a fait en tout cas ! Il y a un moment où tu réalises que tu ne peux pas y faire grand-chose mais qu’au moins, tu peux jouer.

C’est déjà arrivé ?

Oui. Enfin pour être honnête, nous n’avons jamais eu autant de problèmes à la fois. Ce qui est drôle, c’est que public ne saura jamais mais 5 éléments sont tombés en rade en même temps.

C’était dingue à quel point tous les éléments de la batterie bougeaient quand Jon jouait.

Oui, sur la structure ? C’est toujours un problème ! Je ne juge personne quant à l’installation sur les festivals mais ça pose toujours problème, spécifiquement quand on a un batteur qui frappe fort comme Jon. C’est drôle pour moi également car je vois mon micro bouger en permanence car la structure de sa batterie fait trembler toute la scène comme si nous étions en train de subir un tremblement de terre.

La veste sous 32 degrés : dandy mais risqué

Le moment des retrouvailles.

Comparativement aux 2 précédents, le disque est assez dynamique du début à la fin. C’était intentionnel ?

C’est un antidépresseur !

C’était notre intention, en quelque sorte. Nous n’avons pas vraiment de grande réflexion en amont. J’ai tendance à penser les disques comme de l’architecture : les précédents étaient assez vagues et abstraits mais si tu rentrais à l’intérieur, c’est comme si tout bougeait en permanence. Ici, on a un building qui résisterait à n’importe quel tremblement de terre et dans lequel on peut danser. On ne voulait pas se réinventer, c’est un peu à la James Bond : tu as un fil directeur et des points communs mais aussi des différences, une touche.

J’ai lu que vous preniez beaucoup de temps sur les chansons, les albums dans leurs ensembles. Est-ce parce que vous aviez moins de temps disponible que vous avez été plus rapide dans la prise de décision ?

Nous n’avions pas beaucoup de temps ensemble, dans la même pièce, mais nous écrivions séparément à distance. Avec The Great Pretenders, on a appris qu’il ne fallait pas trop se mettre la pression. Non pas pour dire que cet album était une mauvaise expérience mais il ne faut pas oublier le fun dans la création. On était très méticuleux avec des idées précises en tête en termes de son alors que sur GWIAB, on s’est plus laissés porter.

Vous avez ici une ligne directrice pour le disque avec une relation qui commence et se termine au long de l’album. C’est arrivé comment ?

C’est l’une des premières idées qui est venu en tant que concept cohérent pour la totalité de l’album. On voulait que ce soit vécu comme l’expérience d’une relation vécue chapitre après chapitre et se dévoilant au fil de l’écoute. Cependant, on ne voulait pas que ce soit trop conceptuel et restrictif. C’était un drôle d’équilibre de trouver cet équilibre.

« Pour patienter, nous avons donc fait cet EP pour ne pas être frustrés. Aujourd’hui, je pense que les gens veulent la musique aussi vite que possible. »

Comment c’était de trouver un rythme de travail à distance ? Vous étiez habitués à composer ensemble dans le passé…

Michael et moi écrivons séparément et tout le temps, quelque soit le projet. On s’envoyait des titres et on a commencé à accumuler 20 chansons, constituant une base de travail pour l’album. Sans être une seule fois dans la même pièce. C’était une époque pleine de contraste : Mike était en pleine rupture avec sa fiancée et c’était horrible pour moi, Dieu sait ce que moi j’étais en train de traverser… Peut-être en perdition sous acides. (rires)

Bref, la magie de tout ça a été de construire le disque ensemble à la fin à partir de ses démos qu’on s’était envoyés.

Vous avez beaucoup tourné tous entre Last Shadow Puppets et Arctic Monkeys pour toi et Zachary et une énorme tournée mondiale pour Mike avec les Queens sur Villains. Qu’est-ce que ça a apporté chez les Mansions tu penses ?

On est arrivés sur ce nouvel album différents en tant que personne je dirais. En tournée pendant 4 ou 5 ans d’affilée avec différents groupes de manière récurrente, ça doit te changer un peu. De ce fait, ça doit être une sorte de réunion pour nous tous. On se connait depuis si longtemps et avoir l’occasion de jouer dans d’autres groupes nous a permis ici de se retrouver en tant que personne, de savoir où on en est : une drôle de manière en recoller les morceaux. Ça sonne niais mais c’est ce qui s’est passé…

Non, c’est cohérent : c’est comme lorsque tu revois des amis que tu as perdu de vue depuis longtemps, sauf que là vous faites de la musique en plus. L’EP Works Every Time, c’était une manière de remettre la machine en marche avant d’écrire un disque ou c’est un bonus de l’album ?

Ça a été composé après le disque, on l’a fait comme un coup promotionnel. Pour des raisons de calendrier, notre label nous a proposés une date de sortie éloignée. Au minimum, tu as une fenêtre de 6 mois à attendre. Pour patienter, nous avons donc fait cet EP pour ne pas être frustrés. Aujourd’hui, je pense que les gens veulent la musique aussi vite que possible. Nous avions fini l’album depuis un certain temps et nous ne voulions pas bloquer dessus donc c’était comme donner une croquette au chien avant qu’il puisse manger son assiette.

Jon Fucking Theodore.

Jon à la batterie, c’est aussi sur l’album. Quand a-t-il été ajouté à la fête ?

Toutes choses mises à part, je trouve que c’est l’un des meilleurs batteurs de sa génération. Ce n’est pas une mince déclaration car il y a une pelletée de batteurs que je respecte. Aussi pour être honnête, c’est un très bon ami. Quand tu as un pote qui est en fait un batteur que tu admires depuis le lycée. Je me souviens l’avoir vu avec Mars Volta, c’était incroyable. C’était complètement absurde d’évidence de le choisir : hum, quel batteur pouvons-nous avoir ? On a Jon Theodore ! Peut-être… (rires)

Il nous a poussés en tant que groupe de bien des manières : il a une telle présence en tant que musicien.

« Jon est un spécimen : il prend son espace et il ne fera rien que vous ne l’obligiez à faire, à moins qu’il l’ait décidé. »

Ce que j’adore chez lui, c’est qu’il ne prend pas trop de place. Il dynamite et muscle les morceaux certes mais ils ne se retrouvent pas défigurés par la batterie et tu ne dois pas avoir des moments de solos assez chiants parfois pour remarquer que ton batteur est incroyable.

Jon est un spécimen : il prend son espace et il ne fera rien que vous ne l’obligiez à faire, à moins qu’il l’ait décidé. Merde, j’ai l’impression de démarrer un culte.

Un peu de rab de prévu…

J’en serais pour sûr. On a parlé de l’EP et vous avez déjà partagé l’équivalent d’un album complet de chansons inédites B avec Flashbacks: A Collection of B-Sides and Rarities. Est-ce que vous en avez encore sous le coude après ce disque ?

C’est pourquoi je disais que l’album nous avait demandé plus de concentration. La capacité à sélectionner ses morceaux est parfois sous-estimé. Je pense toujours qu’un artiste doit partager autant de musique qu’il est capable de produire. Avec ce disque, nous avions un rapport émotionnel aux titres et à ce qu’il devait raconter et ça nous a amené à faire des choix. C’est pourquoi j’adorerais faire un nouvel album de faces B et je pense que c’est l’un des meilleurs disques de faces B ever. J’ai une opinion biaisée à ce sujet mais je pense même qu’il pourrait être meilleur que The Great Pretenders.

C’est contrasté encore, de s’astreindre à ne retenir qu’une dizaine de morceaux et ne pas partager à tout le monde l’intégralité de ce que tu as pu produire. Comme lorsque tu joues aux cartes, tu ne dois pas toujours montrer ton jeu.

Mini Mansions à Rock En Seine le dimanche 25 août

Vous avez ouverts pour Muse en Europe au début de l’été dans des stades toujours plus grands. Ça donnait quoi de l’intérieur ?

C’était dingue et très fun : ça nous a semblé être cohérent. Honnêtement, on ne savait pas combien de personnes allaient nous voir. Les salles faisaient 80 000 personnes mais comme tu joues en première partie, tu peux te retrouver avec un dixième de ces gens et pas forcément dans une humeur des plus attentives. C’était un honneur d’ouvrir pour eux, nous n’avions jamais été dans ce genre de salles, c’était nouveau.

Je ne suis pas un grand fan de MUSE mais je me souviens les avoir vus une fois il y a 10 ans et l’usage de la vidéo était dingo. Alors maintenant, les robots, les acteurs, etc…

Dans leur section VIP, tu as des jeux vidéo en VR pour être en immersion dans l’univers de leurs chansons. Tu te retrouves à conduire une voiture dans une ville en étant poursuivi par des aliens avec exosquelettes, le tout synchronisé avec la musique. C’est très très cool.

« J’ai vu énormément de groupes que j’adore en festival et ils sonnent super bien mais c’est très difficile d’approcher ce que Nick Cave a. »

Vous avez déjà fait beaucoup de festivals. Quelques souvenirs marquants sur le côté de la scène ou plus jeune en tant que spectateur dans la foule ?

On ne voit pas grand-monde habituellement car nous devons partir après le set.

Par contre, quand nous étions en tournée avec les Arctic Monkeys l’an passé, il y avait souvent Nick Cave sur le line-up. Je me suis donné comme règle de voir chacun de ses sets, quoiqu’il arrive. La première fois que je l’ai vu, j’ai été impressionné par sa présence, sa manière d’être, son groupe, tout : tu as l’impression d’être dans une pièce avec lui. C’est la première fois depuis loooongtemps que je n’avais pas été autant touché par une performance d’artiste. J’ai vu énormément de groupes que j’adore en festival et ils sonnent super bien mais c’est très difficile d’approcher ce que Nick Cave a.

Quelles sont les chansons ou albums que tu as l’habitude d’écouter lorsqu’une relation se termine ?

Parfois, je me moque de moi-même lorsque je me vois écouter certaines musiques dans ce genre de moment.

C’est difficile car t’as envie d’être triste et en même temps d’être au-dessus de tout ça.

Je dirais donc : Neil Young avec On The Beach, le premier disque de Suicide, The Miseducation of Lauryn Hill, n’importe quel album de Yes, du Elliott Smith, Nick Drake et aussi les chansons de sa mère. Molly Drake, elle ne chantait que des morceaux sur les oiseaux et les fleurs mais c’est à te briser le coeur.

Je n’écoute pas de morceaux dédiés à la rupture non plus car je n’ai pas envie que ce soit directement lié.

La dernière : l’anecdote qui t’a le plus fait marrer pendant l’enregistrement ou sur la tournée des festivals ?

On se marre énormément : je vais me concentrer sur l’album car en tournée, c’est toujours très drôle et parfois je suis dans un état qui fait que j’oublie.

Un de mes moments préférés, c’est lorsque Michael porte des lunettes de soleil en studio pour chanter. A ce moment-là, il chante différemment. Je ne sais pas pourquoi et je ne peux pas dire qu’on se soit marrés sur le moment mais il y a quelque chose de très drôle à se dire : Michael, tu devrais mettre tes lunettes pour celle-là.

Toujours aussi sympa, les Mini Mansions ne nous ont pas certifiés être de retour à Paris prochainement. On croise les doigts pour les voir à nouveau avec un set encore plus long.