MADAME ROBERT/YAROL ★ ESPACE GERARD PHILIPPE

Quand j’ai découvert que cette bonne vieille ville de Calais avait calé Madame Robert en première partie de Yarol, l’énorme fan de Lofofora que je suis a poussé un soupir de soulagement, j’allais enfin pouvoir tester en live le rhythm n’ blues généreux de Madame Robert qui me ravissait tellement sur album. Cerise sur le gâteau, l’énorme fan de feu FFF qu’est votre serviteur découvre que son guitariste émérite s’est lancé dans une carrière solo. Belle occasion donc de croquer dans la galette afin de saliver à l’avance de la prestation à venir.

GRoOoOoOoVY BABY !

Prenant au passage une délurée compagnie, nous voici donc à prendre le large, défiant les bouchons lillois (inexistants un samedi à 18h), on se retrouve donc avec une avance bien confortable devant l’espace Gérard Philippe. Après avoir trouvé sandwiches et toilettes dans les alentours, nous patientons tout en badinant. L’entrée dans la salle se fait sans souci, le concert étant loin d’afficher complet, quand la 2ème pause pipi de la délurée compagnie se manifeste. Toujours à même pour le petit coup de main, je redirige plusieurs messieurs vers l’autre bout du hall, et oui dommage les chiottes des mecs c’est de l’autre côté.

La salle est chaleureusement boisée en légère voute. Petit tour au bar accueillant qui, à défaut d’offrir du choix en sirop de houblon, propose une petite restauration sympathique dont au final on se fout puisque les sandwiches attendent sagement en voiture. Verre en plastique houblonné en main, on se rapproche de la scène en constatant que notre duo est relativement bruyant dans un public assez policé et sage. Le godet n’est pas encore terminé qu’un générique qui aurait pu être utilisé pour le Petit Train de la Mémoire commence à nous plonger dans une ambiance 60s/70s.

Ça change des reprises de la TV réalité !

La bande ne tarde pas à débarquer en tenue de rigueur : lunettes de soleil, chemise, veston, cravate pour les messieurs, robe ample à pois pour la claviériste. L’ambiance 60s s’épaissit pour exploser sur une intro où déboule le sieur Reuno swinguant et ondulant à souhait à l’instar de ses camarades.

Alors, au risque de casser l’ambiance, un petit retour sur les protagonistes s’impose pour les 2-3 du fond qui comatent sur le radiateur. Madame Robert, c’est en quelque sorte un hommage à cette chanson française des 60s/70s qui swingue de façon franchouillarde. On vous citerait volontiers Nino Ferrer dont le titre Madame Robert a plus qu’inspiré le groupe pour trouver un blase. Alors certes, l’époque est au rétro, on a jamais fait autant de neuf avec du vieux; pourtant quand on regarde au line-up de Madame Robert, on est en droit d’être intrigué : Reuno de Lofofora, j’ai nommé, l’un des frontmen les plus virulents et percutants de la scène énervée française, qui s’allie avec Stef et Xa, j’ai nommé, la section rythmique, derniers survivants (littéralement) de feu Parabellum, cultissime pour la scène punk française, et ce trio de base s’emploie donc à nous servir ce rhythm n’ blues généreux. Le postulat surprend au premier abord et pourtant, et pourtant… quand on s’est affranchi Du chantons sous la pluie paternel pour s’affirmer et se construire avec les Blues Brothers, on ne peut que se délecter de voir ses artistes chouchous se transformer en Frères et Sœur Bleus.

 

Mais reprenons plutôt le récit car après cette intro qui met dans le bain, le groupe entame son set comme il entame son 1er album Comme De Niro avec « Comme De Niro » le titre éponyme (Madame Robert, Comme De Niro, pas besoin de te faire un dessin ? Perso je n’en ai perçu que toute la profondeur avec Bob en perruque blonde façon Marilyn sur le t-shirt du groupe). Et ça envoie. Et ça swingue. Léa derrière ses claviers aux sonorités Hammon est une vraie patronne, Julien groove comme un bandit, Xa et Stef tiennent la baraque dont ils secouent les murs. Quant à Reuno, il nous installe sa voix rocailleuse dans un registre différent qu’elle épouse pourtant si bien, c’est un peu lui le côté généreux du rhythm n’ blues de Madame Robert. C’est assez sidérant de le voir évoluer avec une telle aisance dans ce style cher à son cœur mais tellement éloigné de Lofo. Mais est-ce réellement surprenant ? Le rhythm n’ blues n’est-il pas précurseur du rock ? Le rock n’est-il pas précurseur du punk et du métal ? CQFD la boucle est bouclée. D’ailleurs, on sent un groupe à son affaire et soudé de surcroit, assurant les chœurs, enchainant de petites chorés, s’amusant les uns avec les autres, ils se font plaisir en faisant plaisir.

Ils nous envoutent avec « Papa Legba« , nous rendent nostalgique sur « Mieux avant« . Ils nous font frissonner de désir avec « Derrière la porte« , nous rendent baba avec « Nabab« . Ils nous font rêver notre vie sur « L’aventure« , nous font remuer le popotin avec « La reine de la jungle« . Et ils nous feraient presque chialer sur « Schultzy blues » tellement la performance est intense, l’hommage bouleversant pour le frère de route parti trop tôt (Schultz était le guitariste chanteur de Parabellum décédé en 2014, grosse pensée également à Sven autre guitariste décédé 4 ans plus tard). On aura même droit à la reprise de Nino Ferrer du titre « Madame Robert » par Madame Robert avec un public qui suit. En parlant de ce dernier, bien qu’il ait été un brin timide, on n’a pu que se réjouir de la communication avec lui. On a eu droit aux anecdotes du dernier passage en ville de Reuno avec Les Tambours du Bronx où la bande a fini au karaoké du coin dont la patronne apparemment t’engueule si tu chantes faux et pour qui Stef Buriez se serait reconverti en barman. D’ailleurs Reuno, en taulier qu’il est, en aurait sûrement fait un bon (ça doit être de famille), au-delà d’un public interloqué, il propose des coups à boire sur « Captain« ; mais quand le 1er interrogé répond « un orangina », on se dit que la réputation des Nordistes n’est plus ce qu’elle était… heureusement que le type s’est avéré être le Bob (celui qui ne boit pas en soirée chez les Belges) de sa femme qui picole, elle. Force est de constater que le groupe nous aura rendu ivre de joie en interprétant un nouveau titre bien rock qui ne laisse présager que du bon pour le 2ème album en préparation.

Alors on aurait très bien pu se contenter de rentrer bien content chez soi mais on était trop occupé à se faire de nouveaux copains, à féliciter les Madames Robert pour leur prestation qu’arrive Yarol sur scène.

I WANNA BOOGIE WITH YOU

A-t-on encore besoin de le présenter ? Ancien gratteux de FFF qui a donné à la fusion française tout ce qu’elle a de meilleur, guitariste live de l’idole des jeunes, s’associant avec son frère Melvil Poupaud dans MUD ou Black Minou. C’est d’ailleurs avec les zicos de cette dernière formation qu’il a pris la route pour défendre son tout 1er album solo. Même si on peut regretter de ne pas le revoir avec un nouvel album d’FFF, annoncé mais qui n’a jamais fini de pointer le bout de son nez, cette retrouvaille avec le 6 cordistes, où on le découvre vocaliste, n’est pas sans laisser indifférent. Navigant de titres en titres et d’ambiances en ambiances, on découvre un univers musical large allant du rock au funk (sans surprise me diront les adeptes du fonck) en passant par le blues, la soul, l’électro et même l’afrobeat. Certes il s’agit d’un 1er album, pour autant le type est bien loin d’être un novice. Il connait la scène comme sa poche et n’hésite à haranguer le public pour en tirer le maximum tout au long de sa prestation énergique. Sur les titres qui bougent le plus, on perçoit tout à fait quel était son apport créatif dans FFF. Pour le coup, l’électrisant « Runaway » n’est pas sans rappeler « Monkee« , le tout dernier titre sorti par la Fédération Française de Fonck.

Niveau voltage « Boogie with you » se pose également là et fait monter la température. Certains titres sur album se révèlent encore plus en live avec une montée en puissance comme le très dansant « What am I supposed to do« , le power blues « Wrong way to win » ou encore « Black cat bone » et son final entêtant. Tantôt sautillant sur « Girls« , tantôt entrainant sur « Trouble on the wire« , il sait aussi se faire mellow sans être mièvre sur « Voodoo love« , « The end of the world« . Il s’amuse aussi avec les locaux de l’épreuve n’hésitant pas à convier sur scène à maintes reprises les 4 enfants d’un collaborateur à qui il refilera sa guitare un instant pour le final. Alors, on ne lui expliquera pas que l’utilisation d’enfants dans la région peut être sujette à caution, ça partait d’une bonne intention, c’est vrai que les bouts de choux sont amusants à s’éclater dans tous les sens. L’un des souvenirs que l’on gardera du show est l’incroyable talent de guitar hero du bonhomme déglinguant chaque solo avec nonchalance et brio. Ses acolytes ne sont pas en reste et en font la démonstration avec leur solo personnel (un peu dans une pure tradition showbiz) sur « Sale » qui viendra conclure le show dans une ambiance africaine. Malgré de petits problèmes techniques épisodiques, on se souviendra d’un show bien rodé d’un artiste talentueux et expérimenté.

Allez, hop, hop, hop, on se remet de nos émotions avec un sandwich au thon, 2 heures de route où on parlera beaucoup de Lofofora, un suppo(t de Satan) et au lit.

Un grand merci à ma petite cousine Anne et un non moins grand merci Jules Gall pour m’avoir permis d’utiliser ses photos.