Melissa Auf Der Maur – Out Of Our Minds

Certaines coïncidences sont parfois si étonnantes qu’on ne saurait les inventer. Melissa Auf der Maur, on la connaît surtout comme ex-bassiste de Hole, et brièvement des Smashing Pumpkins. Son premier album était sorti en même temps que celui de Courtney Love (chanteuse de Hole, quand même) et six ans après, devinez quoi? Rebelote, en encore plus étrange. Courtney Love a décidé de reprendre le nom de son ancien groupe pour sortir son nouvel album, ‘Nobody’s Daughter‘, prévu de longue date. Mais elle s’est entourée de nouveaux musiciens, ne reprenant aucun autre membre de ‘Hole‘ qu’elle-même. Quant à Melissa, surprise par la décision de Love, elle était aux prises depuis 2004 avec quelques problèmes légaux, venant du fait qu’elle a décidé de s’occuper intégralement de son second album, qu’elle voulait ambitieux.

Pour la seconde fois, Love et Auf der Maur sortent un album en même temps, et pour la seconde fois, la rousse bassiste sort gagnante de la confrontation. On a déjà parlé de Nobody’s Daughter, on va s’intéresser maintenant à Out of Our Minds, ou ‘OOOM’ en plus court. Ambitieux, il l’est effectivement : ‘Out Of Our Minds‘ est un album, mais aussi un comic book et un moyen métrage réalisé par Tony Scott. Melissa a créé une histoire fort complexe, mêlant rites païens, ésotérisme et mythologie viking, tout en tentant de rester accessible : même si l’expérience est censée être multimédia, l’album peut s’écouter individuellement du reste. On se référera au site officiel pour plus de détails.

Out Of Our Minds‘ commence par un instrumental qui remplit exactement son rôle : la tension monte au fur et à mesure que la basse d’Auf der Maur prend de l’ampleur, et s’arrête juste au moment où le riff très altrock 90s du morceau-titre commence. Même si six ans se sont écoulés, on reste en terrain connu mais, on remarquera toutefois une plus grande attention au détail, aux différentes ambiances. ‘Out of Our Minds‘ donne le ton de l’histoire : il faut voyager hors de l’esprit et dans nos coeurs. On va essayer. ‘Isis Speaks‘ introduit une caractéristique de l’album : fidèle à sa volonté de raconter une histoire, Melissa parle avec la voix de plusieurs personnages, et modifie donc parfois la sienne. Un peu déroutant, mais on s’y fait, surtout avec un morceau si bien écrit. Elle utilisera le procédé à plusieurs reprises tout au long de l’album, notamment sur l’excellent ‘Follow The Map‘, même si six ans ne parviennent pas à faire oublier que le riff est assez similaire à celui de ‘Beast of Honor‘, extrait du premier album.

Out Of Our Minds‘ est aussi assez varié, même si on reste dans un univers facilement reconnaissable. Là où le premier album portait fortement la marque des invités/compositeurs (notamment Josh Homme), celui-ci est plus intime, plus personnel, peut-être aussi moins passe-partout. Auf der Maur place un second instrumental en quatrième piste et un troisième (fort étrange) un peu plus loin, n’hésite pas à varier les tempi à l’intérieur même de certains morceaux (‘22 Below‘, de ballade soft à truc lourd à la Sabbath) ni à écrire des refrains limite trop catchy (‘Meet Me on the Darkside‘). Le moment le plus étrange de l’album est un duo avec Glenn Danzig : les deux voix se marient très bien, mais malheureusement, le morceau un peu faible n’atteint jamais la transcendence de son équivalent du premier album, l’exquis ‘Taste You‘ avec Mark Lanegan. Après cette petite période de flottement, l’album se finit très bien, avec l’excellent ‘The Key‘, qui bénéficie du talent du meilleur batteur à louer du rock contemporain (Josh Freese) et le morceau bonus ‘Mother’s Red Box‘, sans doute trop agressif/QOTSA pour être inclus sur l’album lui-même.

L’impression est mitigée, mais positive. Par rapport au premier album, les morceaux sont sans doute moins immédiats, moins mémorables. Mais il faut tenir en compte qu’il s’agissait plus d’une collection de morceaux souvent co-écrits qu’un album solo cohérent, ce qu’est largement ‘Out of Our Minds‘. La production est aussi différente, passant de l’altergrunge dépassé à une prod plus léchée, plus précise et nettement plus fouillée. De plus, ‘Out of Our Minds ‘ mériterait certainement d’être écouté en contexte avec les autres composantes du projet, ce qui n’a pas été le cas ici. On pourrait donc dire qu’il représente le vrai premier album de Melissa Auf der Maur, et pour cela, on espère qu’il ne faudra plus six ans pour entendre la suite.