IDLES ✖︎ Ultra Mono

Aussi dur et lourd qu’il pouvait être, Joy Is An Act of Resistance fut un véritable tourbillon pour IDLES. Cité comme le meilleur groupe live du moment, fédérateur par leur discours, leurs conneries sur scène, la folie de leur guitariste ou le charisme dément de Joe Talbot, les 4 mecs de Bristol ne sont plus seulement incontournables sur la scène : ils sont aujourd’hui pour beaucoup l’étendard du rock. Pour palier le confinement et le COVID_19, Ultra Mono est arrivé avec un plan de communication millimétré : un clip par mois, des concerts en ligne et une quantité improbable de prise de paroles avant de pouvoir revoir la bête dans son milieu naturel qu’est la scène. Pour un résultat qui condense le meilleur de leurs précédents albums.

Pris à la gorge.

Le riff de « War » ouvre les hostilités et son énorme mur du son vous prennent à la gorge et impressionnent par la démonstration de puissance. Pas de suspense, c’est un constat qui court sur l’intégralité du disque où IDLES multiplie les coups de pressions, les roulements de batterie sauvages et explosifs, les guitares assassines et à un rythme surexcité. Un saxo rempli de disto vient aussi s’inviter à la fête pour ajouter encore plus de force et de confusion à l’ensemble. Déluge sonore, frissons dans tous les sens, « War » clot tout débat en 4 minutes : ils sont sur le toit du rock. Parfaitement placée, « Grounds » reprend de volée avec la voix gutturale et posée de Joe soutenue par une musique martiale et dont la diction est idéale pour être scandée en live. « Mr Motivator » au sein de la setlist gagne également en qualité et continue de battre le tempo tant qu’il est très, très chaud et au bout des 12 premières minutes, toujours pas de temps mort demandé par le coach.

Pour contrebalancer et décontenancer la lourdeur des paroles et des compositions, Joy Is An Act Of A Resistance avait tendance à collectionner et abuser de passages too much, comme à la fin de « Colossus« . Ici, pas la place à genre de débordement puisque les morceaux sont plus courts et qu’il s’agit de leur disque le plus facile et efficace à écouter. A tel point qu’il est très, très difficile de ne pas s’empêcher de l’écouter en boucle.

Puisqu’il en faut toujours une, « Ne Touche Pas Moi » est à côté de la plaque. On aime beaucoup Jehnny Beth mais la compo punk est des plus random et la mélodie du refrain rappelle fortement « Model Village« . Le titre le plus court de l’album tourne vite en rond et à vide et nous a vite forcé à le zapper continuellement. Si les paroles font mouche, « Carcinogenic » et son riff à la Rita Mitsouko montre les limites de l’approche très frontale de l’album mais la suite évite le ventre mou.

« Reigns » renvoie tout le monde dans les cordes avec un son mixant le saxophone vrombissant de Warren Ellis, un chant hurleur et une section rythmique martiale. Un putain d’incontournable à venir sur scène et d’ores l’un des meilleurs titres du groupe. C’est d’ailleurs l’un des exploits d’Idles avec Ultra Mono, de collectionner les perles et il n’y a pas à douter les prochaines setlists du groupe vont être un casse-têtes. On pourrait évoquer aussi « Danke » qui termine en trombe ou « The Lover » qui se permet de glisser Eat Shit! aux haters dans les refrains tout en ajoutant un énième tube à la tracklist.

I am I.

Après le deuil et un drôle d’hymne à la joie, l’histoire racontée par Ultra Mono est celle de son groupe étant à 100 % lui-même. Totalement en contrôle de ses capacités et de son image, Idles envoie ici un sacré coup de poing dans la gueule avec un disque fun, défoulant et énergique sans jamais perdre en intensité et brutalité. Personne ne se tire la couverture au niveau des instruments où malgré quelques riffs convenus, on ne peut que souligner l’énorme basse d’Adam Devonshire, la batterie dantesque de John Beavis.

Joe Talbot joue la carte de l’économie côté paroles et en peu de mots, il assène punchlines et rimes. Déterminisme social, amour propre, santé mentale, relations humaines et politique sont autant de thèmes que le groupe évoque avec légèreté et ironie. Un humour que l’on ressent depuis les débuts et ici dynamité grâce à une production pétaradante. Chaque titre frappe et avec Nick Launay au mix et Kenny Beats au finish de la production : on peut dire sans doute que cela faisait longtemps que nous n’avions pas subi un tel mur du son en pleine gueule. Sobre ou bourré, joyeux ou énervé, ce disque a subi nos écoutes répétées et excessives sans jamais desserrer son emprise. Si IDLES est aujourd’hui cité autant pour sa musique furieuse que pour son discours engagé, l’un peut aussi s’apprécier sans l’autre. Au lieu de se perdre en faux débat et de s’interroger sur leur authenticité ou légitimité : vous pouvez aussi juste, apprécier.

Notre interview à l’époque de Brutalism et nos chroniques de l’album et de JOAR.