INTERVIEW ☭ OTHER LIVES

A Paris pour la promo de leur nouvel album For Their Love, Other Lives en a profité pour jouer un showcase à la Brasserie Barbès. Jesse Tabish d’Other Lives nous a parlé de sa passion pour la nature, son retour aux instruments acoustiques et son amour pour l’Europe.

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Photos : Laure Ghilarducci

Le retour à la nature et aux guitares.

Comment s’est passé l’installation pour le showcase ?

Nous sommes ici pour une promo, c’est un show acoustique que l’on assure uniquement à 2 avec Jonathan. Il y a beaucoup de pédales, de matériel, c’est une expérience : nous n’avons pas trop l’habitude de ce type de configuration.

Déjà 5 ans depuis Rituals. La dernière fois vous aviez quitté Stillwater pour Portland et intègré plus de compositions électroniques via l’utilisation d’ordinateurs. Pour For Their Love, c’est le retour à la nature et à des instruments plus classiques.

J’ai tendance à vouloir tout changer une fois qu’un disque est fini. J’adore Portland et c’est une ville géniale.

Lorsqu’on a enregistré Rituals, on y était et quand tu vis dans une ville où il se passe autant de choses, que tes potes vivent pas loin, ça fait beaucoup de distraction. J’avais envie de pouvoir travailler 10 heures par jour, de commencer à partir de 6h du matin si ça me chante, etc… Nous avons donc trouvé un endroit dans la campagne, que nous avons transformé en studio et où nous sommes allés avec ma femme pour commencer à travailler.

J’avais aussi envie de me retrouver dans la nature, d’apprécier le paysage, de regarder les arbres. Je suis fan des grands espaces mais surtout d’enregistrement et de musique. J’avais besoin de pouvoir m’y consacrer de cette manière.

Aussi, on a pu voir sur vos réseaux sociaux une espèce de chalet ou maison repensée en studio. Qu’on voit aussi dans le clip de « Lost Day ». C’est là où vous avez tout composé et enregistré ?

Oui, l’endroit était inoccupé. Ça appartient au père d’un ami qui venait de décéder. Nous avons rangé, déménagé et sommes partis à la chasse aux souris et aux chauves-souris.

Nouvelles méthodes, nouveau membre.

Comment vous avez bossé ensemble cette fois ?

J’ai essayé de mettre en place une configuration où on pouvait faire un disque à la Other Lives avec la possibilité de se rapprocher au maximum de notre son live. J’ai toujours trouvé que nous sonnions mieux en concert que sur album et ça me frustrait. Je voulais que chaque partie : du piano à la batterie puissent être imaginé comme un groupe en train de jouer. Si Rituals était un disque assez morcelé dans son enregistrement, ici c’est un travail plus collaboratif.

Parmi tous les titres, « All Eyes / For their Love » m’a abasourdi par son ampleur et sa structure en deux parties. C’est votre morceau le plus long à date, vous avez pour habitude de faire des morceaux plutôt entre 3.30 et 4 minutes. Comment ce titre vous est venu ?

J’avais commencé à écrire un truc bourré, tard le soir. Lorsque j’ai donné à ma femme les demos, elle m’a demandé ce que c’était. Je lui ai dit que c’était rien, elle insisté. J’ai donc fait quelques arrangements pour aboutir à quelque chose qui était « All Eyes ». J’avais aussi « For Their Love » en stock et j’ai trouvé qu’elles avaient un son en commun. Ca a été un heureux accident.

Les thèmes de l’album sont assez lourds, en opposition avec la musique très lumineuse qui l’accompagne. Le deuil, la perte de quelqu’un, la solitude, les mensonges qu’on peut se faire à soi même. Était-ce un but avoué de traiter de sujets graves sans être trop plombant ?

C’est très difficile, de ne pas être trop dramatique ou sérieux. J’avais l’intention de laisser les thèmes de l’album ouvert sans pour autant référer à ma propre expérience. Bien que ce soit sûrement les paroles les plus personnelles que j’ai pu écrire. J’ai connu une dépression il y a quelques années et avant ça, lorsque j’avais 16 ans j’étais dans All American Rejects et l’un des membres de famille du groupe a été assassiné. Le morceau « We Wait » parle de ça et cet événement a changé ma vie. J’ai des tocs et des problèmes que j’ai mis de côté et ce disque est une manière de régler ça. Je suis souriant et un mec heureux au quotidien mais je me suis rendu compte que j’avais des choses à résoudre et que je voulais passer outre.

D’ailleurs, vous avez des chœurs féminins sur ce morceau et vous avez un nouveau membre avec l’arrivée de votre femme Kim qui a un apport important dans le disque. Elle sera aussi présente en tournée je présume, avez-vous commencé à retravailler les anciens morceaux avec sa voix ?

Oui, elle sera avec nous en tournée et nous avons commencé à travailler avec elle. Depuis Tamer Animals, j’adore avoir des voix féminines sur nos chansons. Elles passent quelques octaves au-dessus de la mienne, ça illumine nos titres, ça procure un effet halo. Lorsqu’elle a commencé à chanter, je me suis dit que ça aurait un effet positif. Surtout qu’elle a en plus écrit une bonne partie des paroles avec moi sur ce disque.

Des morceaux pour la suite.

Depuis vos débuts, votre univers musical est très cinématographique. Vous avez eu des propositions ou des envies de passer à la bande-son de films, séries ou autre ?

J’ai composé de la musique pour une pièce à Broadway, ça s’appelle The Price et Danny DeVito et Mark Ruffalo jouent dedans. Ça a été utilisé pour l’ouverture, l’entracte et la fin. J’ai tellement écrit à côté pour que j’ai environ 20 chansons non utilisées. La musique me vient naturellement en instrumental d’abord.

Si on regarde sur votre Instagram, il y avait visiblement 15/16 morceaux de prévus pour For Their Loves. Où est passé le reste ? Est-ce que ça va être diffusé sous forme d’ep, de version deluxe plus tard ou vous en avez fini ?

Nous avons un tout autre album né dans la même session. Je ne dirais pas qu’il est prêt à être distribué mais la base est là. Normalement, il ne devrait pas se passer 5 ans avant le prochain disque. Je le sortirais dès qu’on me laissera le faire. 😅

Comment vous avez fait la sélection entre les morceaux ?

Il y a un côté très cinématographique par rapport à l’autre album. La différence paraissait assez claire entre les titres qui sonnaient très Other Lives et d’autres qui peuvent même paraître lo-fi, que nous n’avons mis sur ce disque-ci.

Tu écoutes quoi en ce moment ?

Personne de vivant. 😂
Je me fais des discographies complètes. J’ai fait la même chose récemment avec les livres. Je me suis re-fait les Beatles, Neil Young par exemple. En fait, ils sont vivants !

https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DWT6VDwxLyl0W?si=oNKmYFY-TkCvee8F67IYjw

Personne de récent ?

Non, il y a de très bons artistes aussi aujourd’hui mais je recherche surtout des choses différentes comme un disque de jazz éthiopien par exemple. Il y a un sentiment de joie, une vibe assez difficile à reproduire. C’est comme danser : soit tu sais, soit… 😅

Une chose chez vous m’épate quelque soit le disque, c’est la qualité de production et on le retrouve encore ici.

Ça sonne bullshit mais quand je me lance dans un projet, je mets en place un espèce de manifesto. C’est des règles, une palette, un point de départ très simple pour pouvoir commencer à créer. Les limites, c’est bien pour pouvoir produire quelque chose. Ça te force à réfléchir sans partir dans tous les sens. Sur Rituals, c’était parfois labyrinthique. Sans ordinateur, rejoué juste avec une guitare à la main, ça m’a vraiment aidé à reconnecter et ça m’a beaucoup plu. Il y a un côté très romantique. Les ordis ne sont pas si sexy. 🤓

On nous a dit que vous avez été très précautionneux sur les réglages du son pour ce soir. Est-ce que vous avez un type de salle où vous adorez jouer ?

Je n’aime pas jouer devant des salles assises. Si je pouvais vivre en ne jouant que devant des salles de 150 à 200 personnes, ce serait un rêve. Des petites salles intimes, remplies où on voit les gens et où ça transpire. Nous avons joué devant des publics de 40 ou 50 000 personnes. C’est génial mais ce n’est pas le même feeling.

La Macronie et la gentrification

Le lieu où vous enregistrez semble très important sur vos compositions. Est-ce que vous avez une destination en tête pour un autre disque ?

Ma femme est allemande, ma précédente était française. J’ai passé tellement de temps en Europe, je considère que c’est ma deuxième maison. A un moment, je pense que j’emménagerais ici. J’ai aussi adoré l’Italie par exemple : les gens, la bouffe… Nous avons passé 3 mois là-bas en Sicile avec ma femme pour écrire les demos du disque.

Vivre aux États-Unis, c’est très difficile aujourd’hui. Manger sain, acheter des produits bio, du vin, bénéficier d’une protection de santé, c’est criminel de voir à quel point c’est cher en Amérique. A Portland, tu le vois aussi : si tu as le malheur d’avoir un problème de santé ou que ça touche un de tes enfants par exemple, tu es potentiellement à quelques mois d’être sans abri. En France au moins pour le moment, vous avez vos racines socialistes qui restent en place.

On verra, les choses changent petit à petit avec le gouvernement Macron. La dernière chose qui vous ait fait marrer en studio ou en tournée ?

On se marre tout le temps et surtout de nous. Sur le tournage de la dernière vidéo, on était morts de rire sur un truc mais je n’arrive plus à mettre la main dessus. Ça fait 15 ans qu’on est ensemble, on est comme des frères et avec un peu de vin et passé une certaine heure, il y en a toujours un qui lâche une connerie…😅

Merci à Jesse pour sa simplicité, Pias et Marine pour l’invitation et aux Other Lives pour le showcase. L’album sera disponible le 24 avril et le concert au Trabendo prévu le 28 est pour le moment annulé sans nouvelle date.

🇬🇧 🇬🇧 🇬🇧 English version, Ladies & Gentlemen 🇬🇧 🇬🇧 🇬🇧

In Paris to promote For Their Love and for an acoustic showcase at the Brasserie Barbès, Jesse Tabish from Other Lives told us about his passion for nature, his return to acoustic instruments and his love for Europe.

How went the set-up for the showcase?

It’s an acoustic show that is only for two, with Jonathan. There are a lot of pedals and equipment, it’s an experiment. As we are not used to this kind of setup, it can take some time. 

5 years already since Rituals. At that time, you left Stillwater for Portland and you started to introduce computers. For For Their Love, you went back to the countryside and to classic instruments.

I tend to change everything once a record is finished. I love Portland and it’s a great city.

When we recorded Rituals, we were there and when you live in a city where so much is going on, and your friends live nearby, it’s a lot of  distraction. I wanted to be able to work 10 hours a day, to start from 6am if I wanted to, etc… We found a place in the countryside, turned it into a studio and we start working with my wife. 

I also wanted to be in nature, to enjoy the landscape, to look at the trees. I’m a fan of the great outdoors, but especially of recording and music. I needed to be able to devote myself to it.

The place you went to: is it the one we can see in the ‘’Lost Day’’ video? 

Yeah, the place was unoccupied. It belonged to the father of a friend who had just passed away. We tidied up, moved out and went hunting for mice and bats.

How did you work to write this record compared to the others?

I tried to set up a configuration where we could make a record à la Other Lives with the possibility of getting as close as possible to our live sound. I’ve always found that we sounded better live than on an album and that frustrated me. I wanted every part, from the piano to the drums, to sound like a band playing. If Rituals was a recording project, here it’s a more collaborative work.

Among the tracklist, ‘’Eyes / For Their Love’’ blew my mind by its beauty, depth and its 2 parts structure. It’s your longest track to date, as you more used to tracks between 3.30 and 4 minutes. How did it came to life? 

I started writing something drunk, late at night. When I gave my wife the demos, she asked me what it was. I told her it was nothing. She insisted. I made some arrangements to come up with something that was ‘’All Eyes’’. I also had « For Their Love’’ and I found that they had a sound in common and I combined them. It was a happy accident. 

The themes on the album are pretty heavy, compared to the luminous music that goes with it. Loss, grief, loneliness, being lost with your own thoughts, lies we can say to ourselves… Was it a common goal to not make a dramatic record without being too mundane?

It’s very difficult not to be too dramatic or serious. I intended to let the themes of the album open, without referring to my own experience. Although they are surely the most personal lyrics I could write. I went through a depression years ago and before that, when I was 16 years old I was in All American Rejects and one of the family members in the band was murdered. The song We Wait is about that and of course, that event changed my life. I have some knocks and problems that I’ve put aside and this record is a way to deal with that. I’m smiling and a happy guy on a daily basis but I realized that I had things to solve and I wanted to get past it.

You have a new member now with Kim and we hear on the album what she brought to the band. Is she’ll be on tour with you as well and if yes, did you start to re-work some of the previous songs with her voice?

Yes, she’ll be with us on tour and we’ve started working old songs with her. Since Tamer Animals, I love having female voices on our songs. They are a few octaves higher than mine, it lights up our songs, it gives a sort of  halo. When she started singing, I thought it would have a positive effect. Especially since she also wrote lyrics with me on this record, like We Wait.

You always have been associated to cinema. Have you already been approached to do soundtracks or something you have in mind?

I wrote music for a Broadway play called The PriceDanny DeVito and Mark Ruffalo are in it. It was used for the opening, the intermission and the ending. I wrote so much on this project that I have about 20 songs that I didn’t use. It’s like a little soundtrack of mine. The music comes naturally to me instrumental. 

On Instagram, we see 15 to 16 songs were scheduled on the record. Is there something scheduled for the rest of it on an EP, a deluxe edition or it’s done?

We have a whole other album born in the same session. I wouldn’t say it’s ready but it is there. Normally it shouldn’t be 5 years before the next record. I’ll release it as soon as they let me.

How did you make the selection between the tracks? 

There’s a very cinematic side to the other album. The difference seemed quite clear between the tracks that sounded very Other Lives and others that may even sound lo-fi, which we didn’t put on this record.

What are the artists you are listening to right now?

Nobody who’s alive.😂

I go through complete catalogs . I’ve been doing the same thing recently with books. I did the Beatles again and then Neil Young for example. In fact, they’re alive!

https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DWT6VDwxLyl0W?si=oNKmYFY-TkCvee8F67IYjw

Anyone recent? 

No, there are some very good artists today too, but I’m mostly looking for something different like this Ethiopian jazz record for example. There’s a feeling of joy, a vibe that’s pretty difficult to reproduce. It’s like dancing: either you know how, or… 😅

No matter the record, I’m always amazed by your sound quality. 

It will sound bullshit, but when I get into a project I put together a sort of manifesto. It’s a set of rules, a palette, a very simple starting point to be able to start creating. Limits are good to produce something. It forces you to think without going off in all directions. On Rituals, it was sometimes tricky. Without a computer, just playing again with a guitar in my hand, it really helped me to reconnect and I really liked it. There’s a very romantic side to it. Computers aren’t that sexy.

Pias told us you were very careful with the sound settings for tonight. Do you have a type of venue where you love to play? 

I don’t like to play in front of seated audiences. If I could make a living playing only in front of 150 to 200 people, it would be a dream. Small, intimate rooms, full of people, where you can see people and sweat. We’ve played in front of audiences of 40 or 50,000 people. It’s great but it’s not the same feeling.

The location where you record seems very important. Do you have a destination in mind for another record? 

 

My wife is German, my first wife was French. I’ve spent so much time in Europe, I consider it my second home. At some point, I think I would move here. I’ve also loved Italy, the people, the food… We spent 3 months there in Sicily with my wife to write the demos for the record. 

Living in the States is very difficult nowadays. Eating healthy, buying organic products, getting health protection, it’s criminal to see how expensive it is in America. In Portland, you see it too: if you have the misfortune of having a health problem or if it affects one of your children for example, you are potentially a few months away from being homeless. In France at least for the moment, you have your socialist roots that remain in place. 

We’ll see, things are changing with the Macron government… The last thing that made you laugh in the studio or on tour? 

We laugh all the time, especially at ourselves. On the last video shoot, we were laughing our asses off about something but I can’t get my hands on it anymore. We’ve been together for 15 years now, we’re like brothers and with a bit of wine and a certain amount of time, there’s always someone who’ll drop some shit.😅

Thanks to Josh for his simplicity, Pias for the invite and to Other Lives for the showcase. The album is available on April 24th and the European Tour is currently delayed until further notice.