MOTOCULTOR 2023 – SAMEDI 19 AOÛT ★ CARHAIX

Réveil difficile… J’ai fait des cauchemars où j’étais dans la scène de la rave dans Blade, mais tous les vampires parlaient breton et se moquaient de moi car j’avais oublié de mettre un pantalon…  Certainement à cause de Ic3peak ça, Mais pas le temps de psychanalyser, la prog du jour c’est le petit Jésus en culotte de velours et le 1er groupe que je veux voir commence à 12h45 !

Pøgø

Inutile de faire semblant, comme la quasi totalité de la foule, je ne connais pas Pøgø. Je suis là juste parce qu’ils s’appellent Pøgø et que je veux en profiter de l’énergie déployée dans la foule pour faire mes katas matinaux. Je me dis que je suis au bon endroit quand je vois deux loustics débarquer sur scène cosplayés en personnages de Mortal Kombat et déterminés à rejouer la scène de la rave dans Blade en version suédée. Pour ce qui est de la musique ça brasse large : on passe d’un rap metal horrorcore à des passages technos ou même à du cloudrap planant. Un melting pot très casse-gueule sur le papier, surtout associé à un manque de moyen scénique évident. Mais si leur entrée en matière est un peu hésitante, la bonne vibe et les encouragements vibrants du public les font vite gagner en confiance et leur permet de déployer leur style bigarré sans honte. Le fait qu’on ne connaisse rien du groupe et qu’ils partent dans tous les sens les rend plutôt imprévisibles et divertissants. Ils parviennent même à faire faire un wall of death plus que décent pour l’heure tôtive, et finissent le concert sous un tonnerre d’applaudissements, en remerciant humblement les techniciens et l’orga du fest, visiblement touchés par l’accueil chaleureux qui leur a été réservé.

Sylvaine

Je ne sais pas ce que tout le monde a aujourd’hui, si c’est un truc avec la lune ou les énergies telluriques, mais l’ambiance est à nouveau ultra positive pour Sylvaine. La vitalité jouissive et la chevelure féérique de la chanteuse norvégienne lui confèrent un magnétisme évident et je me fais charmer comme un serpent du 1er morceau au dernier. Musicalement il n’y a rien de bien compliqué (post black avec une once de rock), mais la magie simple et pure opère parfaitement, portée par un live band habité et très heureux d’être là. En réécoutant sur album a posteriori je ne comprendrai pas pourquoi ce concert m’a autant retourné le tréfonds, mais sur scène, quelle merveille !

Not Scientists

Dur de revenir à un show un peu plan-plan après la grosse baffe Sylvaine. J’apprécie la simplicité et l’humilité qui émane du frontman, mais ce punk rock rond et chaleureux est un brin trop gentillet pour me choper. Quelques riffs très efficaces et des lignes de basse bouncy me font irrémédiablement bouger le popotin, mais je me fais quand même la réflexion que c’est peut-être ça les groupes de vieux de ma génération. Pas sûr que les codes sociaux et musicaux associés à ce style très “mascu-cool” traversent bien les âges. Peut-être cela parlera-t-il toujours à un certain groupe social, qui y retrouvera un doux cocon nostalgique, vestige d’une époque que lui seul pourra encore comprendre ? Comme je passe plus de temps à théoriser cette pensée qu’à apprécier le concert, je délaisse les sympathiques quarantenaires et pars précocement déguster un poulet yassa avant Pénitence Onirique.

Pénitence Onirique

Côté costume et mise en scène, Pénitence Onirique met les petits plats dans les grands. Ils font partie de ces groupes de black metal comme Ghost ou Cult of Fire qui jouent à fond le jeu de la cérémonie sectaire costumée pour mystifier les foules. Et ça fait mouche, l’ambiance ésotérique s’installe rapidement, leur set est efficace (à peine altéré par une courte panne de son au beau milieu d’un morceau), on se régale de pleins de détails, notamment de leurs masques qui sont superbes, mais je me régale aussi de mon généreux yassa, du beignet de légumes et de ce curieux jus de baobab que je viens d’acheter, et très vite mon esprit s’échappe vers les vertes contrées de la colline de la sieste. Je m’évapore un peu avant la fin pour m’écrouler sur les rondeurs de Mère Nature.

Birds In Row

Je suis bien content d’avoir siesté comme un ange avant Birds In Row, car voilà un groupe en pleine hype que je ne voulais rater sous aucun prétexte. Avec un dernier album placé au sommet de plusieurs tops de l’année 2022 par la presse spécialisée (se tirant la bourre avec Brutus qui joue 2h après ! Quand je vous dit que cette journée est une masterclass de la prog du Motocultor), les mayennais ont aussi une solide réputation sur scène. Ne les ayant jamais vuq auparavant, c’est une première pour ma part et vlà la grosse mandale. C’est abrasif, prenant, explosif, beau, débordant et maîtrisé, et mention spéciale au batteur qui possède un jeu d’une suavité exceptionnelle. Entre deux morceaux, le chanteur avoue être crevé de sa tournée et explique que c’est leur dernier concert avant un repos bien mérité, mais leur fatigue ne s’est pas du tout ressentie, bien au contraire. Je n’ai pas vu le temps passer, et j’en.aurai bien repris pour 30 minutes de plus. On apprécie aussi le mot placé en direction des personnes racisés, queer, trans et des personnes ayant peur d’aller en manif en raison des violences policières. C’est toujours bien de rappeler la base et ils se font d’ailleurs chaleureusement applaudir pour cette prise de position salutaire en ces temps troublés.

Brutus

Je pourrais tenter de vous rédiger une critique objective mais impossible d’être pertinent quand j’entends la voix cassée de la chanteuse : je deviens FOU vous m’entendez ? En plus d’aimer son timbre de voix, ses intonations et ses lyrics, je suis fan de son jeu de batterie. Que voulez-vous, si je me mettais vraiment à parler de Brutus je deviendrai le Luc Le Vaillant du rock et personne ne veut ça. Ceci dit le concert n’était pas dingo, notamment à cause d’un son étouffé d’une fin de set un brin en dessous. 2♡/2

Russian Circles

Mon petit cœur encore tout chaud d’avoir vu Brutus se heurte au mur glacial dressé par Russian Circles. Mutique, le combo laisse totalement parler ses instruments, avec une rigueur et un groove implacables. Passé le coup de chaud-froid un peu rude, je me laisse rouler dessus par leur machine bien huilée et ces cercles russes annexent ma crimée en même temps que toute la Massey Ferguscene (qui est nommée, le saviez-vous, d’après une marque de matériel agricole). Ce concert battra aussi le record du nombre de slams par seconde du weekend, sans doute parce que les gens savent que les morceaux vont durer 10 minutes, le temps de traverser la foule sans risquer l’honteux “slam à blanc”, hantise de tout slammeur.

Scarlxrd

J’apprends en discutant avec le public avant le concert que ça se prononce Scarlord ! Me sentant moins con d’un seul coup, je me risque à demander quel style c’est exactement, et là personne ne me répond la même chose : phonk, metal-rap, trap metal, horrorcore, tout le monde a son avis, mais personne n’est d’accord, et je me désintéresse progressivement de ce débat stérile pour accueillir naïvement ce qui va arriver. Car difficile de savoir à quelle sauce on va être mangé en attendant le début du show : aucun instrument en vue, pas de roadie à faire des aller-retours pour brancher ou tester des trucs, juste une ambiance gris-rouge enfumée sur une scène vide. Soudain un gars en t-shirt (le fameux Scarlxrd) déboule tout seul sans crier gare d’un pas déterminé, nous demande si ça va en nous gueulant dessus, fait un PUTAIN DE BACKFLIP et commence le massacre. De la violence à l’état brut pendant 50 minutes, j’ai perdu 28 kilos. Je n’ai jamais vu un gars tout seul aussi bien occuper une scène, il a instantanément transformé le pit en arène frénétique et n’a pas concédé un souffle de répit jusqu’à l’ultime délivrance. Je papote à nouveau avec des membres du public à la sortie du concert pour voir si je n’ai pas eu la berlue, mais tout le monde est unanime : nous avons assisté à une leçon de maître. Je manque de mots pour vous décrire le pur chaos ressenti, mais Imaginez la scène de la rave dans Blade, si tous les vampires étaient atteints de la rage et se démembraient entre eux.

Amenra

La grand messe bien évidemment. Ce groupe est à son apogée, et on pouvait s’en rendre compte en comptant les festivaliers arborant leur merch durant la journée, puisqu’il y en avait presque autant que de t-shirts Hellfest (et beaucoup plus que de Motocultor). Leur pièce maîtresse, A Solitary Reign est sans doute le meilleur morceau au monde à voir en live en 2023, et si des djs la jouait lors de la scène de la rave dans Blade, toutes les créatures de la nuit exploseraient en gerbe de sang, frappées par la grâce sacrée. D’ailleurs les belges sont bien conscients de sa puissance et la réservent généralement pour la fin du concert, en guise d’apex ultime, mais ils la jouent cette fois en milieu de set, sans que cela ne nuise pour autant à la ferveur qui s’élève palpablement sous le chapiteau. On peut même y voir un gage de confiance, peut-être se sentaient-ils assez à l’aise au Motocultor pour tenter une nouvelle setlist, se sachant entouré d’un public de connaisseurs acquis à leur cause. J’ai beau les avoir vu de nombreuses fois ces deux dernières années, je me prends encore une baffe (la quatrième de la journée quand même) tant les flamands sont passés maîtres dans la distillation d’émotion pour en faire un concentré chimiquement pur, au parfum de sacrifice et d’absolu. Et maintenant c’est parti pour la beauferie.

Little Big

Passer de la confession mystique à de l’eurodance qui parle de gros zizi et qui reprend les backstreet boys, c’est ça la magie du Motocultor. En guise de bonbon final, les programmateurs ont placé sur la mainstage principale cet ovni russe méga festif, qui s’est scindé en deux depuis leur dernière venue au Motoc en 2019, une partie du groupe étant pro guerre et l’autre non. Outre les messages anti-guerre attendus (et bienvenus), Little Big offre une prestation turbo débile qui transforme Carhaix en scène de la rave dans Blade mais où tous les vampires ont été remplacés par des bronies de 35 ans et non ok ça n’a rien à voir avec Blade, il faut que j’aille me coucher, mais c’était parfaitement con et donc parfaitement parfait pour clôturer une journée cathartiquement éprouvante.