Ruine – Ruine EP

Mathieu Artu is RQTN. Et puis Ruine aussi. Une personnalité double mais toujours dotée de cette mélancolie en forme de tic tac: douce à l’extérieur, intense à l’intérieur. RQTN berçait l’auditeur en l’émouvant, Ruine le berce aussi mais plus près du mur. Le choc fait tomber les bouteilles d’alcool rangées dans l’armoire, explosée sur le plancher, d’où l’enivrement.

Ruine, c’est l’innocence interviewée mais qui ne cesse de se faire couper la parole par la violence, une citerne de larmes versée dans un réservoir de kérosène destiné à réveiller les muscles et le cerveau tout deux embrumés par de grisâtres pensées. A peine ‘Misanthropie Part I‘ commence que le cou se met en branle. L’imaginaire invente les scènes les plus impétueuses à défaut d’avoir envie de péter ses meubles (il faut croire que Gregory Hoepffner ne se gêne pas d’en racheter à tour de bras). Aux moyens d’une éléctro rentre-dedans et désenchantée digne des poids lourds de chez Ed Banger Records (Mathieu a d’ailleurs participé au concours de remixes de Kavinsky), les beats viennent pour féconder les pensées sentimentales d’un mal-être alors exorbité et en confrontation avec une rage de vivre naissante. Les thèmes de la misanthropie, de l’amour et du feu fusionnent pour constituer celui du chaos émotionnel et de la brutalité intimiste. On reconnait là la joie de vivre musicale de RQTN, mais aussi quelques tiques de composition, tel un enchainement d’accord/de notes plutôt familier à l’oreille (‘Amour‘). ‘Ruine EP‘ forme d’ailleurs un ensemble bien homogène, peut-être un peu trop pour certaines oreilles plus aventureuses. Le travail du son est globalement le même au fil des pistes, mais après tout, comment en vouloir à Mathieu ? La créativité est là, les émotions aussi, de quoi suffire amplement pour rendre cet effort efficace et jouissif.

Citons donc une fois encore Gregory Hoepffner: ‘Originalité zéro, mais qu’est-ce qu’on s’en branle : t’es là pour détruire tes meubles Ikea et oublier ta copine qui vient de te larguer, pas pour réfléchir à la prochaine révolution musicale.Ruine évoque sans difficulté ces tracas particuliers de notre vie sentimentale. On en arriverait presque à se prendre pour un Fuzati rageur et dérangé, tel que dans ‘Le Manège des Vanités‘. Vive la vie.