Lou Barlow – Brace The Wave

«A strong solo effort… 7.8 out of 10», peut-on lire étiqueté sur la pochette de ‘Brace The Wave‘. L’appréciation est de Lou Barlow lui-même, parce qu’il s’en cogne gentiment à ce stade, parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même (toute l’éthique lo-fi en un proverbe), parce qu’il sait que la blague fera sourire les connaisseurs venus s’approprier ce ‘Loobiecore volume IV’ – son quatrième album solo depuis le foutoir alcoolisé ‘Free Sentridoh Songs From Loobiecore‘ sorti en 2001. Les deux suivants, les jolis ‘Emoh‘ et ‘Goodnight Unknown‘, ont cependant marqué une transition en marge de son retour chez Dinosaur Jr et dépeint un Lou Barlow nettement plus appliqué, assagi, père de famille, humble artisan fabriquant consciencieusement ses chansons dans l’intimité d’un foyer plutôt qu’à l’arrache avec les potes à quatre heures du mat’. Divorcé depuis, presque quinquagénaire, le fondateur de Sebadoh est aujourd’hui un peu aux antipodes du petit barde imberbe ultra anxieux de ‘Weed Forrestin », ‘The Freed Man’ ou ‘III’. Mais comme annoncé ‘Brace The Wave‘ revient bien vers certains fondamentaux: enregistrement express, spontané et sans fioritures, tout juste six jours dans le studio avec un unique acolyte, l’ingé son Justin Pizzoferrato croisé chez Dinosaur Jr. et Speedy Ortiz. Neuf titres à dominante acoustique, un minimum de matos dont une basse, un synthé (utilisés à l’économie et à bon escient) et, typiquement, un ukulélé accordé de traviole et gratté sèchement en mode punk comme au bon vieux temps. Pas comme Eddie Vedder, non. Pas loin de 30 ans après, le geste est plus précis, la voix plus assurée bien que toujours aussi incolore, le verbe aussi franc que sur le chef d’oeuvre miniature ‘Brand New Love‘. Le lo-fi de rigueur reste évidemment plus pro. Les chansons? Bien. Mieux après deux ou trois écoutes. L’expert en break-up songs qui tuent (‘The Freed Pig‘ pour J Mascis, plus récemment ‘I Will‘ pour son ex-femme) a refait sa vie et se retrouve dans une position particulière ici, largué mais sans savoir par qui ou quoi, dépassé mais sans révolte émotionnelle à faire valoir, des enfants qui grandissent trop vite et des contresens (‘I’ll leave you alone but don’t go‘)… et c’est plutôt bien torché, aussi honnête que d’habitude avec quelques évidences livrées sans attendre (‘Redeemed‘, la sinueuse ‘Moving‘, brillante chanson phare de l’album) et, plus tard, des petites compos gratouillées en catimini qui ne payent pas de mine mais qui défoncent discrètement (dont ‘C + E‘, enregistrée dans une chambre d’hôtel ou jouée live dans ton salon – difficile à dire). On est tenté de dire que Lou Barlow est rarement à côté de la plaque, au pire assez fade («I try to remind myself how much I suck» dit-il de son processus créatif) ou peu ambitieux dans la mise en forme (mais sachez-le, tous les albums de Dinosaur Jr sont «mal mixés»), jamais au grand jamais inintéressant. 7.8? Pas tout à fait, mais vraiment pas loin.