Cephalic Carnage – Anomalies

Cephalic Carnage est un groupe très particulier sur la scène rock extrême US. Lorsque ‘Conforming To Abnormality‘, leur première production en date, est sorti, personne n’aurait cru qu’une musique aussi barrée aurait suscité autant de réactions positives. Pourtant, leur style, qu’ils ont eux-même surnommé hydrogrind, a fait son bout de chemin et sur ce quatrième album, ‘Anomalies‘ (lire aNOmaLIES) on est forcé de constater une vraie évolution.

Alors le hydrogrind, qu’est-ce que c’est ? Tout d’abord c’est un son, du moins à l’origine, très difficilement abordable : saturé à outrance, pas lourd du tout, même plutôt aérien mais avec des ‘mélodies’, des sonorités tellement bordéliques et surtout jouées à une vitesse telle (d’où le côté grind) qu’il nécéssite un temps d’adaptation au-dessus de la moyenne pour ce genre musical. Mais ce qui est bien avec l’hydrogrind, c’est qu’une fois passée l’onde de choc que provoque l’avalanche de plans de batterie jamais vus, les riffs humainement injouables et des structures auxquelles il est complètement inutile de chercher quelque cohérence que ce soit, on commence à percevoir se qui se cache derrière.

Et ce petit plus, c’est ce qui fait toute la personnalité de Cephalic Carnage : des micro-breaks jazzy un peu partout, des lignes de basse funky qu’on peine à entendre derrière un blast beat à la batterie, des growls terrifiant sur des solos d’un incohérence assomante, bref, de la musique de psychopathe. Ecouter un album de Cephalic Carnage, c’est un peu tomber, très vite, d’une chute dont on ne voit pas venir la fin en voyant passer de temps à autre une occasion de se raccrocher, de reprendre ses esprits, un riff un peu familier, une rythmique saisissable, mais si brève qu’on glisse, on titube et une rafale de sons plus innatendus les uns que les autres finissent de vous faire replonger.

Concrètement, on retrouve pas mal de ces éléments si agréables dans ce nouvel album. Mais il est indéniable que le quintet a dévié quelque peu du cap qu’il avait pris avec ses trois premiers albums : on a du mal à trouver des équivalents aux très undergrounds et excellents ‘Rehab‘, ‘Pseudo‘ ou autres joyaux crust comme ‘Trailor Park Meth Queen‘. Tout ça a laissé place à quelque chose de, il faut bien le dire, beaucoup plus conventionnel. Attention ça reste tout de même une musique dont quelques petites notes suffiront à faire fuir la majorité des métalleux de base, mais on sent que des efforts ont été faits dans la composition pour rendre certains titre plus abordables. Ainsi, on aura droit à un ‘quasi-single’, ‘Dying Will Be The Death Of Me‘, pratiquement seul titre de l’album ayant une structure classique, mais qui choque tout de même avec son contraste entre couplets bourrinnés à tout va et son refrain pur métalcore sur lequel Lenzig se permet même de nous montrer qu’il est aussi talentueux en voix claire qu’il l’est en voix gutturale. Oui ! du chant dans Cephalic Carnage, incroyable n’est-ce pas ?

Et ce titre n’est pas le seul à en proposer, puisqu’on y aura droit aussi dans le titre de clôture, ‘Ontogeny Of Behaviour‘, mélange étrange de noise, d’ambiant et qui finit par un mid-tempo accompagné d’un chant heavy qu’on a du mal à prendre au premier degré. Du heavy justement, parlons-en avec cet ovni qu’est ‘Piecemaker‘, espèce de longue litanie heavy de biker texan, aux riffs à interprétation ternaire vraiment lourde sur certaines parties et un chant qui rappelle étrangement Raging Speedhorn. De l’autre côté de la balance, on aura des titres totalement death, presque basiques, sans réelles surprises à part quelques samples deci delà comme le très violent mais aussi très plat ‘The Will Or The Way‘.

Du coup on ne retrouve le Cephalic Carnage que l’on connaît que sur quelques titres. Leur facette sombre et repoussante comme on l’aimait sur ‘Wither‘ et compagnie se reflette par exemple dans les ponts doom de ‘Counting The Days‘, titre qui laisse par ailleurs stupéfait de par sa technique incroyable, quelque soit l’instrument auquel on s’intéresse. Mais globalement, ce genre de dissonances accompagnées de vomissement Goregasmiques se font beaucoup, beaucoup plus rares (‘Kill For Weed‘). ‘Scientific Remote Viewing‘ fait office de défouloir grind, mais là encore, le côté amateur, intimiste et fait maison qui faisait le charme des anciens albums est balayé par un gros son plus proche de Chimaira que d’Anal Cunt.

Il n’y a pas de doutes, ‘Anomalies‘ est un album de qualité, mais la production digne des plus grands groupes de néo rend moins crédible tout le côté pathologique que trainait la formation jusqu’à ce jour. De plus les compostions sont beaucoup moins torturées même si ça reste du Dillinger Escape Plan puissance douze. Bref, leur son leur ressemble encore, heureusement, mais on se demande si à cette vitesse là, la limite du compromis pour élargir son public ne sera pas atteint d’ici un ou deux albums.