Smashing Pumpkins – Oceania

Finalement, y’a pas plus compliqué que de satisfaire son public quand on est musiciens. Je vous laisse imaginer le casse-tête quand vous avez vendu des millions d’albums et êtes considéré comme l’un des groupes phares des années 90. Que l’on aime ou pas, les Pumpkins ont régné de par leur habilité à passer de registres heavy à la pop voire aux ballades avec une aisance déconcertante. De fait, quand le groupe a explosé, le retour de ce nom sans ses figurants stars James Iha et D’Arcy a véritablement divisé. Oceania est le second album officiel de Billy, que même Jimmy Chamberlin a décidé de se barrer. Pour le coup, on a cru à la fin du groupe. Erreur !

Erreur ! Oui, tout simplement. Zeitgeist avait tout de l’expédition punitive avec le recul ; vous voulez du gros son, vous, les fans qui m’avaient fait chier en réclamant du Smashing quand je tournais en solo ou avec Zwan ? BOUM ! Doomsday Clock ! Même qu’on va le foutre dans le fim Transformers pour vous prouver que ça pète vraiment. Du morceau épique façon Geek USA ? BOUM ! United States. T’as vu l’ironie du titre ? Zeitgeist fonctionne à peu près bien quand on prend séparément les titres, l’album ayant toujours souffert d’un véritable manque de cohérence, trahi un peu plus encore par les 15 versions et ses tracklists différentes. Une première ! Difficile donc de l’écouter comme on écouterait un Machina, c’est-à-dire comme un tout, avec une identité, une volonté, ne reste qu’un opus boursouflé tel un blockbuster hollywoodien. Quant aux EP qui ont précédé Oceania, dans le concept d’un Teargarden By Kaleidoscope s’étalant sur 44 titres disséminés à un rythme sporadique (tirant même vers l’indifférence), ceux-ci n’ont pas toujours rassuré. Billy a décidé de rompre avec sa politique des titres filés gratuitement sur le web, Oceania se voulait l’album dans l’album, une sorte de confession, à mon sens, du mauvais calcul d’un Corgan dépassé par le média web omnipotent et omniprésent où la rage et la déception de certains fans s’étalent entre deux balises html. Corgan en roue libre depuis un moment, lâché par son fidèle lieutenant de toujours Jimmy, on avait de vraies craintes et pourtant ! Corgan semble enfin avoir retrouvé la raison en offrant à cet album, une vraie production, une vraie cohérence musicale.
Si à la première écoute, aucun titre ne dépasse par son amplitude musicale de hit en puissance tel un Bullet With Butterfly Wings ou un Today, on ne s’en plaint pas, MTV est morte depuis un moment et finalement, l’ensemble fonctionne tellement bien que l’on retient avant tout cette cohérence qui faisait défaut à Billy depuis trop longtemps. C’est donc en prenant le temps, comme Billy a pris le temps d’approcher sa musique pour ce disque, qu’on finit par en apprécier toutes les subtilités, laissant même ici transparaitre le fait qu’il ne soit pas seul mais aussi épaulé par les discrets Jeff Schroeder et Nicole Fiorentino tout à son service. Le premier pour des idées de riff, la seconde pour ses choeurs ou ses lignes de basse bien senties. Seul regret peut-être, Mike Byrne semble payer son manque d’expérience/de personnalité dû à son jeune âge, avec une batterie plutôt discrète qui ne manquera pas de rappeler les périodes Adore ou solo de Billy (One Diamond, One Heart avec sa rythmique électro très marquée).
Il faut dire aussi que l’album n’est pas dans la démonstration de force et certains des meilleurs titres s’appuient même sur des guitares acoustiques, des claviers au son suranné (The Celestials, Violet Rays), bien que souvent rattrapés par des riffs plus gras, sans pour autant jamais tomber dans l’excès. De la pop rafraichissante (My Love Is Winter) aux titres plus rocks comme Quasar, faux départ furibond d’un album qu’on aurait pu penser sur la lancée d’un Zeitgeist revanchard avec Panopticon, Billy prouve qu’il n’est pas cuit ! Le coeur de l’album se fait vibrant, chargé de textures discrètes mais bien présentes, Pinwheels mêlant par exemple avec dextérité les sons électros de sa longue intro aux guitares sèches qui composent son coeur de chamallow à faire fondre au feu de bois. Corgan ne manquera pas non plus le coche quand il s’agira de claquer l’habituel morceau de presque 10 minutes avec le titre éponyme, Oceania. Une compo qui se découpe en trois parties s’articulant naturellement les unes entre les autres, un truc aussi quasi-jouissif qu’un Ghost and The Glass Children période Machina I, partant de sonorités plutôt électro en passant par l’acoustique et qui se termine sur un son plus ample, rock et ambitieux (Mike s’y faisant enfin une petite place). Humilité semble être le maitre mot d’un Billy qui préfère les choeurs posés et les grattes acoustiques aux gueulantes et guitares furieuses. Pale Horse rappelle Thru The Eyes Of Ruby de par son acoustique ambitieuse, The Chimera rappelle Zwan par son optimisme électrique et Glissandra rappelle My Bloody Valentine et ses accents shoegaze clairement assumés par le frontman himself.
J’avoue néanmoins, et comme souvent, la fin de l’album me laisse plus insensible. Oui, j’avoue que mon point faible en tant que fan des SP, ce sont les fins d’albums (mais si, réfléchissez bien, Daydream sur Gish, Take Me Down et Farewell and Goodnight sur MCIS, Pump And Circumstances sur une des 150 éditions de Zeitgeist). Ici, j’avoue que les titres Inkless (et sa partie solo guitare/électro pompeux) et Wildflower (titre de conclusion quasi assumé) me laissent un peu plus indifférent.

Au final, Oceania sonne comme un nouveau départ. Une renaissance quasi inespérée qui prouve que Billy peut encore produire de bons titres. Difficile de dire ce qui a pu changer chez l’artiste pour le pousser à s’écouter plus sur certains points (faire la musique dont il avait envie et pas ce que les fans attendaient forcément) et un peu moins sur d’autres (une prod’ enfin léchée réalisée aux côtés du fidèle Bjorn Thorsrud qui officiait sur Adore, Machina, TheFutureEmbrace en tant que technicien) parce que BORDEL ! Ça fait du bien de retrouver un Corgan assagi, moins décidé à prouver à James Iha qu’il avait eu tort de lui briser son petit coeur de musicien en refusant la reformation. Maintenant et quoi qu’il en soit, il a de nouveaux copains avec qui s’amuser et on espère que l’alchimie continuera en ce sens, car si l’album n’est pas un album phare, il ne fait clairement pas tâche dans la discographie des Citrouilles et semble même marquer un renouveau, n’en déplaise à James, D’Arcy ou Jimmy.