Slipknot – All Hope Is Gone

Slipknot est un groupe que l’on ne présente plus pour peu que l’on trempe dans l’univers métal voire même rock : un coup d’oeil sur les patchs des sacs à dos de collégiens et on a vite compris que Slipknot s’est depuis longtemps fait connaître de beaucoup. Et c’est là où ça a commencé à en gêner certains considérant qu’ils ont dû (comme bien d’autres) vendre leur âme au music business. Il est loin tout de même le temps où je recevais le 1er album des nouveaux poulains de Ross Robinson, 9 mecs masqués qui délivraient une surenchère sonore jouissive… depuis ils ont eu le temps de créer leur légende, s’institutionnaliser pourrait-on dire (souvenez vous des sacs de collégiens) car très vite le buzz s’est créé sur eux. Avec un ‘Iowa‘ particulièrement sauvage qui démontra encore plus le degré élevé de couillitude du groupe, on se demandait où les gaillards allaient bien pouvoir s’arrêter. La réponse fût assez rapide car c’est avec leur 3ème album, ‘Vol.3 : The Subliminal Verses‘, que la lassitude aura commencé à poindre, hormis la banalisation du changement de masques, ce fût (de bière) le vrai tournant musical du groupe scindant les fans acclamant l’aspect plus radio friendly, la production léchée et les fans restés au concept de ‘Slipknot=un poing dans ta face’ et dont je fais partie.
Alors quid de ce nouvel opus? Tout espoir de voir ce groupe se rebiffer était-il parti? Enregistré à Des Moines loin de L.A. et du foisonnement de ses directeurs artistiques, ‘All Hope Is Gone‘ est vécu comme un retour aux sources, à une ambiance plus glauque (comme présenté dans le trailer de présentation et le livret du CD) et à un ré-énervement général quelque peu salvateur à mes yeux même si tout est loin d’être gagné. Dave Fortman (Superjoint Ritual, Mudvayne, Otep) est venu se geler les miches en Iowa pour s’atteler à la production, malheureusement le son est peu trop lisse et ne dégage pas spécialement de sentiment de puissance. En fait c’est un peu le sentiment général de cet album, ça aurait pu être mieux mais c’est déjà pas si mal quand on regarde ce qui a été fait juste avant. C’est sûr que les incartades à la Stone Sour n’aident pas : ce côté Hard FM avec un chant clair que je trouve barbant à souhait, avec en plus un Jordison derrière sa batterie moins inspiré que d’habitude (c’est le problème quand on est si bon, un pèt en dessous de ce dont on est capable et ça a déjà un goût de trop peu…). Autre point négatif à mon sens est cette impression assez forte par moments de déjà entendu soit du groupe lui-même soit chez d’autres petits camarades.

L’entrée en matière, ‘.execute.‘, est un démarrage classique d’album fait de superposition de sons saturés mêlant progressivement voix (Taylor vomissant son dégoût de la société moderne) aux instruments pour débouler sur ‘Gematria‘. Le titre n’est pas exceptionnel d’originalité, on croirait un peu entendre ‘Eyeless‘ (fredonnez-vous ‘Can’t see California without Marlon Brando’s eyes !!!’ sur le refrain, on s’y verrait presque), un solo fougueux certes mais qui s’imbrique mal dans la chanson. Seul vrai moment sympa, la fin du morceau avec une partie mosh assez entrainante et les percus qui font leur effet. ‘Psychosocial‘ est un peu du même acabit : un rythme basique rentre dedans pourtant on s’ennuie un peu, un solo qui vient se perdre mais une fin plutôt bien réussie, un riff sympa et un ‘The limits of the dead !‘ à reprendre en coeur malheureusement il aura fallu se taper avant un refrain en chant clair à demi énervé un tantinet exaspérant.
N’allez pas croire que j’ai une dent contre le chant clair, il y a que j’aime bien quand celui-ci est utilisé à bon escient ou quand il est là pour mieux souligner, contraster le chant hurlé. Prenez ‘Sulfur‘ par exemple, même si ça sonne encore comme du déjà entendu, musicalement ça se tient avec une double pédale qui vient insuffler de la vigueur au morceau. Le problème a mon goût c’est quand on chante ‘Breathing sulfur‘, on ne fait en s’arrachant un peu plus les cordes vocales ou au moins avec des back vocals qui viendraient illustrer le sentiment de malaise comme par exemple à la fin du titre où le chant est enfin torturé bien que cela arrive un peu tard pour sauver le morceau, dommage car encore une fois la mosh part qui lui emboite le pas (quoi j’aime le hardcore?) est efficace surtout ralentie.
Bon, tout n’est pas à jeter en matière de chant (Taylor est un hurleur de 1ère classe quand il décide de s’y mettre), ‘Butcher’s Hook‘ alterne magnifiquement chant clair/chant hurlé sur le refrain pour le coup entrainant avec un emballement final, appuyé par des scratchs déjantés, fort agréable. Autre réussite, ‘This Cold Black‘ avec toujours la double pédale de Jordison qui fait des ravages, un riff assez atypique et barré aux sonorités légèrement indus, un refrain massif qui avec ce  »Pneumatic destroyer ! » n’est pas sans rappeler Fear Factory, là aussi je dis oui.
Par contre, ça coince plus pour moi avec des titres comme ‘Dead Memories‘ et son côté Hard FM trop gentillet, un phrasé un peu à la Keenan pas très réussi en début de morceau, ‘Wherein Lies Continue‘ alors qu’il commence dans une ambiance très oppressante se trouve complètement pourri par un refrain niais et me fait zapper le reste du morceau, ‘Snuff‘ quant à elle remporte le ponpon de la mièvrerie (‘I still press your letters to my lips‘, Corey nooooooooooon !!!!).
Heureusement que cette dernière ne clôture pas l’album car le groupe a préféré terminer avec un titre qui a un peu plus de gueule : ‘All Hope Is Gone‘ et son refrain catchy, du bon Slipknot sans grande innovation. Justement puisque je parle de ne pas se casser la tête, ‘Vendetta‘ ressemble quand même à crever à ‘From The Sky‘ des Gojira avec pour seule différence des wiki-wiki-scratchs plaqué par dessus. Le reste du morceau ne montre pas vraiment d’unité avec la partie Gojiresque, les ‘Hey !‘ scandés à la fin sont mécaniquement entrainants, au final je n’arrive pas à savoir si j’aime ou pas le morceau. ‘Gehenna‘ me laisse tout aussi indécis, l’ambiance se veut inquiétante, angoissante mais on est à des années lumières du malsain ‘Iowa‘, ceci dit les tentatives au niveau du chant sont à saluer : ces notes aigües avec un léger vibrato ont une petite saveur d’Alice In Chains (et ouais) mais encore une fois, on ne peut pas vraiment dire qu’elles s’imbriquent parfaitement dans le morceau.

Cet album, loin d’être à jeter, marque un retour intéressant des 9 qui ne demande qu’à être confirmé par un prochain album (oui je vois loin) encore un cran au-dessus histoire d’être bien sûr de remettre tout le monde d’accord. L’annonce de Jordison d’arrêter de se ruiner les narines laisse à espérer qu’il reprenne une part plus importante dans la compositions des futurs titres que je souhaite encore plus péchus car il faut bien le dire : nos vengeurs masqués nous ont habitués à mieux !