HELLFEST 2019 – SAMEDI ★ CLISSON

Toujours en décalage jouraire à cause du Knotfest, on se lève en se pensant dimanche avant de réaliser que la messe attendra demain. On écrase quelques larmes de sang en apprenant l’annulation de Myrkur et c’est parti.

Skindred

Le cocktail Muscadet – Redbull – Guronzan a dû faire effet vu que Hilikkus est sur site dès 11h pour se dandiner devant la Mainstage où se produit Skindred. Les anglais mettent à profit la courte demi heure qui leur est allouée pour initier les metalleux aux joies du hip-hop et du ragga, avec en tête de pont les bulldozers que sont leurs titres “Rat race”, “Warning” ou “Nobody”. La gouaille et l’entrain de Benji Webbe enflamme le public matinal qui se retrouve bien vite à remuer le bassin sur des rythmes libidineux, emprunté aussi bien à 2pac, Busta Rhymes ou Prodigy pour un hommage bien senti. Au final tout le monde se met torse-nu pour un séquence “on fait tourner les t-shirts en l’air” que n’aurait pas renié Patrick Sébastien. Quand on vous dit que le Hellfest est un carnaval, on ne ment pas !

 

 

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The Creepshow

On continue la séance de réveil musculaire avec The Creepshow, groupe de punk / rockabilly qui se propose de nous faire swinguer sur la Warzone. Bien qu’anglophones, les Montréalais s’expriment dans un français très correct, ça fait bien plaisir. Avec leur mélange détonnant rappelant aussi bien Social Distortion que Distillers, le pari est largement tenu, notamment grâce à la présence d’un clavier envoûtant et d’une contrebasse électrique imposante de toute beauté. Un show parfait pour travailler le jeu de jambes, si on pardonne les quelques problèmes de son en façade.

Will Haven

En ce samedi la scène Valley s’éloigne de ses traditions stoner pour une programmation orientée post hardcore, post metal et screamo. Du pain béni pour notre emo à mèche Hilikkus qui a passé l’essentiel de sa journée sous cette tente. La team Visual entame ce line-up spécial avec Will Haven, souvent considéré comme le bon groupe sans prétention “qui sonne une peu comme les premiers Deftones”. Alors qu’on s’attend à un petit concert de chauffe, les Californiens sont en mode no nonsense : pas bonjour, pas merci, pas au revoir, juste des grosses mandales en plein menton pendant trois quarts d’heure. Zéro temps mort, une implication de tous les instants et un son de basse quasi inhumain. En un mot : branlée.

Dool

Le Hellfest c’est aussi l’occasion de voir des groupes dont on ne soupçonnais pas l’existence et qui s’avèrent être d’excellentes surprise. C’est le cas de Dool, qui malgré sa présence sur la scène Temple habituellement réservée au black metal, sonne comme un chaînon manquant entre le rock gothique 80’s de The Cure et le post metal d’un Year of no light, mêlant ambiance envoûtante, thèmes répétés et voix aussi douce que puissante, sans jamais céder à la brutalité. Un groupe clairement à suivre et qui s’inscrit dans la droite lignée de l’humeur musicale du jour dans la Valley voisine.

 

 

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Fever 333

Si vous nous lisez assidûment vous connaissez déjà toute l’histoire. Fever 333 c’est le nouveau groupe de Jason Aalon Butler (Letlive), Stephen Harrison (The Chariot) et Aric Improta (Night Verses). Un seul de ces trois psychopathes suffit à déclencher une crise d’angoisse chez tout roadie normalement constitué, alors vous imaginez bien le bordel sur scène quand ils sont réunis.

Jason débarque avec un sac noir sur la tête, ce qui ne sera pas sans rappeler la dernière tournée de Rage Against The Machine, groupe auquel ils ont pas mal été comparés. Si la comparaison ne tient pas sur album, la filiation est perceptible dans l’énergie incroyable de leurs lives, mais aussi parce que l’idéologie est mise au premier plan.

 

 

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En live le vernis qui rendait leurs morceaux trop lisses se fait violemment poncer pour que ne ressorte plus que la violence. Au final c’est sûrement ça le concept même de Fever 333 : produire des hits radio friendly capables de séduire le plus teubé des auditeurs d’NRJ pour l’amener à leurs démonstrations mi-bagarre générale mi-meeting politique. Les mecs ne pratiquent ni plus ni moins que de l’entrisme musical.

On ne doute pas qu’ils aient gagné de nombreux adeptes ce jour là mais une bonne partie du public avait l’air bien au courant du phénomène. Pour vous donner une idée de l’ambiance, j’ai fini ce concert avec une belle tâche de sang sur mon t-shirt et a priori c’était pas le mien.

Mantar

Pour ne pas trop choquer les intégristes du stoner, Hellfest a quand même tenu à placer Mantar dans la liste des groupes passant dans la Valley. Plus que leur stoner / rock’n roll massif (d’autant plus impressionnant qu’il s’agit d’un duo), c’est la bonhomie et l’esprit taquin du chanteur-guitariste qui marque les esprits.

Juste après le premier morceau:

“On s’appelle Manowar, désolés pour le retard”

Et à la fin du concert :

“Bon, on en vrai on n’est pas Manowar, on est bien meilleurs qu’eux.”

Ah, les coquinous.

Punish Yourself

La Temple accueillait un groupe fort peu black metal tant dans l’esprit que dans la musique, mais tout de même fort peinturluré. Punish Yourself était de retour pour nous jouer un mauvais tour, semer la luxure et la dépravation et rallier tous les peuples à leur nation.

Si les français sont souvent catalogués indus de par leur imagerie et leur violence guitaro-électronique, on remarquera encore aujourd’hui que l’essence de leur son est tout à fait française. Les morceaux et surtout certains riffs sonnent très punk français des 80’s.

 

 

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Et ceci se retrouve aussi forcément dans le spectacle, difficile de ne pas penser aux lives des Bérus en voyant leurs artificiers, ici limités par la tailler de la scène. Ce sera un peu le souci de ce live : le slot si tôt, si court et sur une si petite scène ne leur aura malheureusement pas laissé pleinement s’exprimer et leur délire aura donc moins pris. Les lumières noires, les flammes et les scies circulaires étaient bien là, mais la prochaine fois on aimerait bien les revoir de nuit.

Sumac

Dans cette journée “Post machin et screamo truc” dans la Valley, difficile de faire plus a propos que d’inviter Sumac. Pour rappel, leur leader Aaron Turner fut le fondateur de Isis (les musiciens, pas les terroristes), pionnier du post metal ayant influencé une palanquée de formations et qui est considéré comme un des papes du genre. Si Sumac reste dans la même lignée qu’Isis, il se veut plus minimaliste et expérimental et ça se sent autant dans l’approche très brute que dans le son un poil cradingue / noise du trio.

Le concert se révèle logiquement exigeant, mais la maestria du groupe l’emporte sur le reste. Il y a quelque chose d’hypnotique lorsque l’on observe Turner avec son look mi gourou mi ermite en pleine transe au milieu d’un morceau de 10 minutes juste avant de se mettre à gueuler comme un damné. On en ressort un peu perdu mais étrangement satisfait.

Cave In

C’est Cave In qui suit sur la Valley. La présence des américains est un quasi miracle, tant l’avenir de Cave In a paru compromis après le décès brutal de son bassiste fondateur Caleb Scofield. Cette triste nouvelle avait provoqué une grande émotion dans le petit monde du post machin et on imaginait que l’histoire de Cave In s’arrêterait là. A la surprise générale, l’album « Final Transmission » est sorti mi-juin avec les derniers enregistrements studio du groupe avec Scofield avant sa mort. Cette tournée a donc une émotion particulière, en forme de célébration de la mémoire de son membre défunt.

Dans la forme, Cave In reste toujours aussi insaisissable, capable aussi bien de chansons rock racées, de brûlots à la limite du hardcore et d’envolées romantiques tout en arpèges. L’ensemble de la discographie est visitée (à l’exception notable d’« Antenna ») avec un belle maitrîse et une jolie place laissé à Nate Newton, bassiste de Converge venu remplacer Caleb Scofield, tout en sobriété. Le concert se termine sur un “Sing My Loves” tout simplement magnifique qui laisse espérer une suite positive pour le quatuor.

Combichrist

Après Punish Yourself, c’est au tour d’un autre groupe d’indus de passer sous la Temple : Combichrist ! Remarque, on aurait presque pu les confondre avec une nouvelle signature des acteurs de l’ombre quand le chanteur et le guitariste sont entrés sur scène tout encapuchonnés. Côté line up, le groupe a ceci d’original qu’il est composé de deux batteurs, un chanteur, un guitariste et pas mal de samples.

Ils n’étaient pas passés en France depuis quelques années et les fans français furent pour certains surpris de découvrir leur récent renoncement au maquillage dévoilant pleinement la gueule de Bond villain un poil flippante du chanteur Andy LaPlegua. Musicalement par contre rien n’a changé. C’est toujours hyper simple, hyper martial et donc hyper efficace. La tente saute et semble prête à partir à la guerre.

The Ocean

On a aussi vu The Ocean, et il n’y a pas grand chose à en dire : Le groupe se contente d’appliquer le manuel du post metal illustré sans aucune originalité. Les structures, les crescendos, les breakdowns, les alternances phases chantées / hurlées… c’est techniquement propre et bien exécuté mais extrêmement prévisible. Dommage.

Candlemass

Place aux patrons du doom traditionnel, qui auraient même donné son nom au genre avec leur premier album « Epicus Doomicus Metallicus ».

L’évènement est d’ailleurs qu’on retrouve sur cette tournée Johan Längqvist, le chanteur qui posait sa voix sur ce premier album. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Johan a l’air content de retrouver ses collègues. Il passera tout le concert à circuler d’un côté à l’autre de la scène, enchaînant les poses de crabe et inondant l’audience de sa classe de playboy des fonds marins. Le genre qui fait rêver les ménagères.

 

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Les musiciens sont assez impeccables et bénéficient d’une balance super propre. Pas à dire, tout le monde est reparti convaincu.

Envy

Et puis entrent en scène les japonais de Envy, qui ont décidé de pulvériser la Valley dans ce qui restera la meilleure prestation de la journée (voire du festival entier si on me demande mon avis).

Dès les premiers instants, le désormais sextette hypnotise le public avec un jeu de lumières à la fois sobre et beau, et surtout avec un son d’une précision inhumaine. Entre morceaux post rock majestueux et brûlots screamo pour les vieux habitués, l’intensité jusqu’au boutiste des musiciens sur scène dévaste tout. On retiendra longtemps l’interprétation habitée du chanteur Tetsuya Fukagawa, aussi perché dans ses hurlements que ses chuchotements. Une sensibilité qui tranche admirablement avec la rage démente des nouveaux membres du groupe (deux guitaristes et un batteur ont été intégrés en 2018) sur les séquences les plus violentes du set.

Il suffisait de voir les yeux embrumés et l’air sonné des spectateurs à la fin du show pour prendre la mesure la déflagration. Un grand, grand concert.

KISS

Salut les clowns ! En espérant que ce soit vraiment la dernière tournée !

Architects

Le groupe entre sur un « Death is Not Defeat » qui offre autant de violence que de boules dans la gorge et donne le ton du set. À une exception près, tous les titres joués seront issus des deux derniers albums « Holy Hell » et « All Our Gods Have Abandoned Us ». Ces deux albums étant consacrés au cancer du guitariste Tom Searle puis à son absence, l’émotion est palpable.

Les titres s’enchaînent et comme sur les autres dates on observe aussi beaucoup d’émotion dans la fosse. Ça mosh sur des chansons aux paroles déchirantes traitant du deuil de façon ultra-sincère et presque crue, sans qu’il n’y ait là d’incohérence. On a ces derniers temps utilisé le terme catharsis un peu à tort et à travers, mais c’est vraiment de ça qu’il s’agit ici. La purgation des passions de la façon la plus brutale et honnête qui soit.

Puis, comme si c’était déjà pas assez la chiale, Sam Carter décide de faire un long discours :

“One of the main killers in this fucking world right now for young men is suicide and that is because it’s taboo to talk about it and I don’t want anyone in this crowd today feeling like they’re alone.”

Et de se livrer :

“If it wasn’t for these guys standing on this stage, I wouldn’t fucking be here. So please be honest, don’t be another statistic and spread love, because it is so much easier to spread love than it is to spread this fucking bullshit hate.”

La prestation sera soutenue par les incroyables écrans du Hellfest (dont on ne vous a que trop parlé) qui ont permis de donner encore plus de puissance à l’ensemble.

On retiendra certainement ce concert parmi les moments forts de cette édition 2019.


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