INTERVIEW ☭ PROTOMARTYR

Déjà 5 albums en 10 pour Protomartyr et après l’avoir attendu pendant de longues semaines, Ultimate Success Today était dans nos oreilles à la fin juin. Un temps d’avance pour en profiter pour discuter avec le sémillant Joe Casey.

🇬🇧 ENGLISH VERSION BELOW 🇬🇧

All Passion and Collaborations.

Pour commencer Joe, ce ne sera pas une interview post COVID pour savoir ce que tu as fait pendant ton confinement et on n’en parlera pas !

Bravo et merci, tu es le premier pour le moment à le faire !

C’est la troisième fois qu’on se parle après 2015 et 2017, où j’avais interviewé Alex avant votre concert parisien.

Oh, c’était toi ! C’était le dernier spectacle de la tournée européenne. J’étais dans les vapes, Greg était cuit aussi et Alex était le seul dispo puisque Scott ne fait pas d’interviews. C’est la seule fois où Alex en a fait une : tu as eu de la chance. Je me souviens de cette date car la salle ressemble à une piscine.

Une longue tournée pour Relatives In Descent, l’EP avec Kelley Deal et la ressortie d’All Passion No Technique : vous avez été occupé avant la sortie de ce nouvel album. Dans quel état d’esprit vous étiez avant de démarrer ?

Comme tu l’as dit, nous avons tourné pendant longtemps et c’était la plus longue tournée que nous ayons jamais faite. C’était la plus grande pause entre deux albums, ce qui pour moi pose toujours un problème. C’est un signe qu’un groupe s’éloigne de ce qu’il devrait faire. Je pense que rien n’empêche un groupe de sortir un disque par an, à part un label qui se met en travers de leur chemin ou leur propre paresse. Composer met le feu aux poudres artistiques. C’était donc un peu comme si on nous refusait la possibilité d’enregistrer parce que nous tournions beaucoup. Et pour finir, il y a l’EP avec Kelley et la réédition du premier disque.

Si tu veux un point de départ pour comprendre pourquoi cet album sonne comme ça, je pense que c’est le EP avec Kelley et les collaborations, mélangé avec l’urgence et l’âpreté que nous avions dans le premier disque, en plus raffiné.

« Ce son plus abouti m’a permis d’être plus libre que je ne l’avais imaginé. »

C’est Greg qui a inspiré cette envie de cuivre et de jazz. Comment vous composez : la musique d’abord et toi ensuite ?

Toujours la musique d’abord, ce qui rend la chose intéressante parce que cette fois-ci, Greg avait une vague idée du son qu’allait apporter tous ces instruments supplémentaires. J’ai attendu de les entendre ajoutés aux chansons. Ensuite, j’ai écrit une partie des paroles spontanément : cela m’a rappelé le premier album où tout avait été un côté last minute.

Etrangement, en proposant un son plus abouti et recherché ou en faisant venir un jazzman : j’ai dû écrire un peu plus et ça m’a permis d’être plus libre que je ne l’avais imaginé. C’est drôle, ce n’était pas le plan mais j’aime entendre la chanson presque complète pour ne pas me mettre en travers de quelque chose de beau. Je n’aimerais pas poser mes paroles, qu’on y ajoute un beau saxophone et qu’ensuite, mes paroles ou ma voix se heurtent à lui. Je préfère travailler avec la chanson plutôt que contre elle.

Dans l’interview faite à Aquarium Drunkard, tu disais ne pas vouloir placer ta voix au-dessus des instruments et tu as toujours été très modeste quant à ton apport aux compositions. Comment travailles-tu en tant que chanteur pour éviter la redite avec les années ?

Encore une fois, je suis l’homme le plus humble que tu n’as jamais rencontré. (Rires)

Cela m’a aidé, non pas d’être humble, mais de savoir que le groupe veut expérimenter d’un point de vue sonore parce qu’ils me sortent de ma zone de confort quand je fais une chanson comme « The Aphorist » ou « June 21 ».

Ce sont des chansons, sur le plan des paroles ou de la voix, j’ai le cul à l’air parce que je ne peux pas me cacher derrière le feedback, la reverb ou une batterie lourde. Sur une chanson comme « June 21 », je chante pendant les parties calmes et je suis calme pendant les parties bruyantes. Je fais le contraire de ce que j’aimerais faire. Habituellement, j’ai l’habitude de gueuler quand la musique est forte. La musique me pousse à faire des expériences et à sortir de ma zone de confort, ce que j’apprécie.

Nandi Rose fait une entrée remarquée sur June 21. Comment vous avez fait connaissance avec tous les invités de cet album et comment se sont-ils greffés à vos compositions ?

C’était différent cette fois. Dans le passé, tous nos collaborateurs étaient des amis et ils ne vous diront jamais que votre musique est nulle. Ou non, ils le feront parce qu’ils sont tes amis. Mais ici, ils étaient tous de parfaits étrangers et nous ne connaissions aucune de ces personnes. Avec Nandi, le producteur David Tolomei venait de travailler avec elle. Elle voulait vraiment faire ce genre de choses où elle collabore avec des gens. Comme si elle était un mercenaire et qu’elle venait pour adoucir quelque chose, elle voulait essayer parce qu’elle était dans une période creuse avant la sortie de son album. Ce à quoi tout musicien peut s’identifier : vous n’avez rien à faire et vous attendez que l’album sorte pour travailler sur un nouveau truc. Nous ne l’avons même pas rencontrée, elle a fait tout son travail à distance. Vous recevez donc ces fichiers avec cette voix magnifique et elle nous a donné beaucoup d’options et de choses différentes pour travailler. C’était une collaboration intéressante.

Jemeel Moondoc est venu pour une journée de travail, a passé la nuit précédente avec nous et s’est ensuite reposé pour 4 ou 5 chansons. Il a fait deux prises chacune, très professionnel, puis il est parti. Fred Lonberg-Holm est resté quelques jours, mais Izaak Mills a été là le plus longtemps et il est présent quasiment sur chaque chanson. Si vous devez choisir le meilleur des collaborateurs, c’était probablement lui car il a radicalement changé certaines chansons et la façon dont elles sonnent juste parce qu’il était là. C’était une excellente façon de procéder car les trois ou quatre collaborations étaient complètement différentes en termes d’intensité et de connexion, et j’ai beaucoup aimé ça.

Comment compares-tu votre travail avec les différents producteurs avec lesquels vous avez pu co-produire vos albums. Dans le passé, Sonny Duperri pour The Agent Intellect par exemple et ici David Tolomei.

Je vais toucher du bois ici car nous avons eu beaucoup de chance avec les producteurs. Nous avons fait deux disques avec le même gars parce que le premier était notre première fois dans un vrai studio et nous nous sommes dit « wow, je veux refaire ça ». Puis la deuxième fois, c’était complètement différent et nous avons ré-appris de nouvelles choses. Une autre raison de nous pousser à évoluer est d’essayer un nouveau producteur : nos amis de Cloud Nothings font cela à chaque album où ils changent à chaque fois. Vous avez peut-être eu une grande expérience avec un producteur, mais vous essayez quelqu’un d’autre.

Nous avons eu une superbe expérience avec Sonny Duperri, nous voulions juste essayer quelque chose de nouveau et voir si notre son résistait. Nous ne sortons pas un producteur de notre chapeau, nous cherchons des producteurs et généralement ils nous sont suggérés par le label. Mais certains peuvent avoir la main très lourde et ils veulent t’aider à écrire les chansons, avoir une vraie patte sonore et leurs empreintes partout. Nous voulons éviter ces producteurs, nous voulons un collaborateur : nous avons écrit la pièce et il la mettra en scène. Le texte vient de nous.

Je pense que David a apporté beaucoup d’expertise technique, en particulier dans le studio où nous avons enregistré. Il savait comment utiliser ce studio avec discipline, correctement et judicieusement. Comme tu l’as dit, ce que j’apprécie ici c’est la profondeur du son. Parfois, dans le passé, nous étions un peu boueux ou proche d’un mur du son. Si tu écoutes les parties bruyantes de cet album, c’est comme si tu voyais le fond d’un lac. J’aime la clarté du son.

La profondeur de l’album n’est en aucun cas dérangeante sur le disque. Tu peux très bien capter le morceau lors des premières écoutes et redécouvrir la vraie nature des instruments et du son par la suite sans t’empêcher de l’apprécier.

Beaucoup de sons dans le disque ressemblent à des guitares : les retours sur « I Am You Now » ne sont pas joués par Greg mais par Fred au violoncelle. « The Aphorist » ressemblait à l’origine à un album de Pink Floyd. C’était comme des nappes sonores venant d’une baleine ou des sons sortis tous droits d’une usine de feux d’artifice. Tout cela n’a rien à voir avec nous et c’est très beau.

Peau d’âne.

Est-ce que c’est toujours toi qui t’occupe des covers et quelle est l’histoire derrière ce poney ?

C’est un des jobs en plus que nous avons tous. Alex s’occupe du merch et je fais le packaging. C’est une mule et les paroles en font mention plusieurs fois dans l’album. J’ai lu un livre sur les mules avant d’enregistrer et je savais avant même qu’une chanson soit écrite pour cet album que je voulais une mule sur la pochette. C’est juste moi et mes théories stupides.

J’avais déjà une idée de ce que je voulais sur la prochaine pochette de l’album. J’ai essayé de construire l’album autour. Il y a beaucoup de chansons sur le travail et sur le fait d’être battu par le travail et quelle meilleure façon de le représenter que cette brave mule. Voilà pourquoi elle est là.

Toujours avec le même cadrage de face ou 3/4, quelque soit la nature de la chose ou de la personne sur la cover.

Ce que je fais, c’est que je choisis une image très simple qui n’a pas vraiment de sens. Ensuite, la musique donne un sens à l’image et ainsi même si la mule ressemble à une mule issue d’une banque d’image. Une fois que vous entendez toutes ces chansons sur les maladies et le travail, elle récupèrera un peu de sa dignité. Sur la pochette du dernier album, les gens lui ont mis beaucoup de pensées profondes dans la tête et j’ai trouvé ça très intéressant. J’espère que la mule recevra le même respect et le même amour.

Merci pour le travail sur le packaging car je me suis amusé récemment à acheter vos albums en vinyle et l’ensemble est très bien bossé. Avec le petit fanzine, le poster et les artworks, c’est très cool à regarder.

S’ils sont tous alignés, tu reconnaîtras directement les disques de Protomartyr. Je m’amuse beaucoup à le faire, alors merci à toi pour le compliment.

Clair obscur.

On souligne souvent ta capacité à observer la société et ici même à anticiper un contexte pandémique sur lequel je ne reviendrais pas. Quelles sont tes sources d’inspirations, la littérature principalement ?

Habituellement après avoir écouté la musique, c’est de l’émotion brute et des paroles désarticulées. Ensuite, j’essaie de réfléchir à une façon d’exprimer entre quelque chose de facile et de très difficile à comprendre.

J’avais lu des articles sur les poètes romantiques de l’Italie fasciste : c’était une source d’inspiration parce qu’ils utilisaient un discours obscur pour se protéger du fascisme. Parce que le fascisme utilise au contraire un discours très simple et facile à comprendre pour atteindre les gens. J’essaie de prendre des idées comme ça et de les appliquer. Dans « The Aphorist », j’essaie d’exprimer des émotions brutes avec un discours poétique, ce qui n’est au final que le résultat de la poésie en général. C’est un équilibre intéressant entre essayer d’être compris et essayer d’être flou. C’est une façon de s’exprimer sans avoir nécessairement besoin de gravir la montagne. Je prends des choses de partout, de haut en bas. Dans « I Am You Know », il y a des choses du film Logan’s Run et il y a aussi les dernières lignes du film The Master. Il y a aussi des publireportages, tout est mélangé jusqu’à ce qu’elles perdent leur sens ou qu’elles en gagnent.

« Je mets à profit mes meilleures années pour faire de la musique et je veux me donner à fond en le faisant parce que cela donne à mon existence un sens qui n’était pas là avant. »

Dans le CP, le disque est décrit comme le dernier acte d’une pièce en 5 actes. Signifiant autant d’albums et le tout en 10 ans d’existence : comment tu vois votre parcours en regardant dans le rétro ?

Plus on vieillit, plus les décennies deviennent déprimantes. Ce n’est pas parce que tu te rends compte qu’il te reste peut-être X décennies, qu’il est sûr que vous les aurez. Je peux regarder en arrière et je n’ai pas l’impression que cela fait 10 ans. Cela ne veut pas dire que je sais nécessairement ce que ça fait de voir passer 10 ans en réalité.

Je sais qu’il nous reste encore beaucoup à faire et je veux le faire pour le reste de ma vie. Je mets à profit mes meilleures années pour le faire et je veux me donner à fond en le faisant parce que cela donne à mon existence un sens. Ca a donné un but dans ma vie qui n’était pas là avant. J’ai l’impression que le groupe peut encore dire beaucoup de choses.

Pour la pièce en cinq actes : quand je regarde en arrière, les mêmes obsessions et thèmes reviennent tout au long des 5 actes et j’espère que si nous avons la chance d’en avoir un sixième, nous pourrons écrire sur de nouvelles choses. Si je ne peux pas, il y aura un chapitre 6 ! (rires)

Est-ce que vous avez déjà été approché pour faire la B.O d’un film ou d’une série ? Vous avez un univers si dramatique et intense que cela ne peut que matcher.

Nous avons été contactés pour quelques shows de Netflix. Nous étions en fait censés être dans la saison 2 de The OA. Nous avons filmé la scène à L.A. dans ce club bizarre avec une pieuvre géante. C’était l’épisode le plus important de la série jusqu’à présent et ils ont fini par nous couper, ce qui est très courant à Hollywood. J’étais vraiment excité par toute cette histoire. Chaque fois que nous en parlons dans les interviews je le dis, mais si vous voulez que nous fassions la bande-son de votre film, nous serions ravis de le faire. C’est notre objectif. Même sans nous payer. (rires)

C’est la seule fois où vous pouvez vous « vendre ». Hier, je regardais un film d’action sur Netflix avec Charlize Theron et la bande-son était très pop aujourd’hui. J’ai pensé qu’une de nos chansons serait tout aussi bien que celle de Billie Eillish. Elle a assez d’argent c’est bon, vous pouvez utiliser nos chansons maintenant s’il vous plaît !

Des anecdotes à foison.

Quand t’y penses : quelle est la chose qui vous a fait le plus rire pendant l’enregistrement du disque ?

Le plus drôle s’est produit après et ça a un peu à voir avec la pandémie. Nous venons d’annoncer le disque et nous avons eu des nouvelles du label : « La BBC veut jouer votre chanson et ça va être énorme pour vous. »

Nous venons de Detroit et nous ne savons pas vraiment ce que cela signifie et ils nous ont demandé de raccourcir la chanson car « Processed By The Boys » est trop longue. On s’est dit : « on ne le fera jamais, c’est notre art ! »

Même si nous pensions que le morceau avait besoin de sa longueur pour fonctionner, le label a trouvé un moyen de nous convaincre et nous l’avons découpé en cette version bizarre et parfaite de 3 minutes. Nous sommes très excités, nous allons être célèbres, joués tout le temps sur la BBC. Un jour plus tard, nous avons reçu un e-mail disant qu’ils avaient accepté la chanson et l’avaient ensuite interdite parce qu’il y avait une ligne mentionnant « une maladie étrangère ». A cause du COVID, j’ai été banni de la BBC. Nous avons complètement renoncé à notre art pour passer à la BBC et nous avons été interdits. C’est l’histoire de notre vie avec ce disque : le jour où nous avons annoncé l’album, Tom Hanks a déclaré qu’il avait COVID. Nous n’avons pas eu de chance.

Vous n’êtes pas les seuls à ne pas avoir eu de chance en 2020. Une horrible question pour toi : quelles sont les chansons que tu préfères jouer live ?

Les miennes, car je les connais ! (Rires)

Une chose que je n’aurai pas avec cet album, c’est que lorsque tu chantes en live, tu découvres parfois que la façon dont tu chantez dans le studio n’est pas bonne et que tu devrais la chanter d’une autre façon. Je vais te dire celle qui ne me manque pas : « Tranquilizer » sur le dernier album sera très difficile à chanter avec tous ces marmonnements. J’aime les chansons qui sont faciles à chanter !

Cette question m’est venue en lisant une interview où tu disais qu’en préparant les setlists, Greg privilégiait les chansons avec un certain son de guitare et qu’ils ne souhaitaient pas en changer. Ce qui avait pour conséquence de virer « The Chuckler » des sets. A mon grand désarroi car c’est l’une de mes préférées.

Moi aussi ! Voici un autre coup de pied dans le ventre : Kelley Deal était censée participer à notre prochaine tournée, en jouant de la guitare, des claviers et des chœurs. Greg a finalement ajouté d’ajouter « The Chuckler » puisqu’elle a pris la partie de guitare. Finalement, j’ai eu la chance de le jouer un soir à Chicago et puis, la tournée a été annulée. Pour une fois, j’ai gagné contre Greg, mais je ne sais pas quand je pourrai rejouer cette chanson.

Potes avec Metz et Preoccupations, on sous-estime la richesse de cette scène né au début des années 2010. Quel est le groupe que vous surveillez actuellement ?

En enregistrant un album, tu te renifles longtemps donc t’écoutes pas grand chose de nouveau. Je dirais que beaucoup de nouveaux groupes post-punk ne sont pas très bons et craignent. Ils ressemblent à des versions édulcorées ou junior de groupes existants. Mais il y a un groupe qui existe depuis un certain temps et qui se tient au-dessus de la mêlée, c’est Girl Band. Leur dernier album est brut de décoffrage, à prendre ou à laisser. J’espère que lorsque les gens énuméreront les groupes qui ont été les plus importants de cette époque, ils n’oublieront pas celui-ci par rapport au « groupe du mois » que nous avons souvent.

En parlant de concerts, avez-vous déjà fait un concert avec 3 rappels comme au Point Ephémère en 2015 ?

Malheureusement non mais j’essaye de m’y opposer de toute façon ! D’habitude, les gens ne nous redemandent pas tant que ça, mais c’était sympa de ressentir autant d’envie pour un énième rappel.

Je me souviens que c’était un concert spécial et que c’était nécessaire à cette époque. Est-ce qu’il vous reste des chansons d’Ultimate Success Today qui seront reprises sur un nouvel EP ?

Il nous reste quelques chansons de côté. Il y a notamment une chanson appelée « The Spectator » que nous avons déjà interprétée en concert et qui est superbe mais qui n’a pas sa place dans l’album pour une raison quelconque. Comme nous n’avons rien à faire pour l’instant, j’espère que nous pourrons utiliser ce temps pour enregistrer de nouvelles choses. La dernière fois que j’ai vérifié, tout le monde était d’accord avec l’idée mais nous vivons tous dans des endroits différents : Alex est à New York, Greg a passé la quarantaine à Chicago et Scott et moi sommes à Detroit. Une fois que l’album sera sorti, nous serons libres d’enregistrer à nouveau.

En ce qui concerne les tournées, nous verrons en 2021 de toute façon ?

Je reste optimiste, mais les tournées pourraient être un problème jusqu’à l’année prochaine. Les tournées internationales n’auront pas lieu du tout en 2020. Nous ne sommes pas un groupe très courageux : je m’inquiète pour nous et pour notre public. J’espère vraiment qu’il y aura un vaccin, mais ici il n’y aura pas assez de gens pour le prendre. C’est dire à quel point nous sommes stupides. Nous sommes foutus de toute façon en Amérique.

Tu auras le temps de préparer ta candidature à la présidence, non ?

Oui, sans aucun doute. Mon plan d’évasion a toujours été de m’enfuir vers l’Union européenne, de trouver une femme irlandaise et de me marier. Mais je ne peux même pas venir maintenant, mon plan d’évasion est foutu en l’air car nous allons apporter des maladies. Vous devriez construire un mur pour vous protéger ! (rires)

Comme l’Europe est assez grande et qu’il y a pas mal de mers, on va y réfléchir. Merci pour ton temps, Joe !

Il est toujours bon de rattraper le temps perdu avec quelqu’un tous les 2/3 ans. La prochaine fois, tu parleras à Scott : on le forcera à le faire ! Tu vivras tous les moments historiques de Protomartyr, toujours derrière nous comme une mouche sur le cul d’une vache. (rires)

Protomartyr devait entamer une tournée européenne avant la sortie du disque, puis à la rentrée et tout a été décalé à 2021. D’ici-là, écoutez-les, achetez leurs magnifiques vinyles et surtout jetez-vous sur Ultimate Success Today.

Crédits photos : Trevor Naud.

🇬🇧🇬🇧🇬🇧ENGLISH VERSION BELOW 🇬🇧🇬🇧🇬🇧

5 records in 10 years for Protomartyr. After weeks of expectations, we listened to Ultimate Success Today dozens of times before its release and had the opportunity to talk to Joe Casey about it!

All Passion and Collaborations.

Full disclaimer Joe: it won’t be a post-COVID interview so I won’t bother you with the pandemic or asking what you are doing during lockdown.

Wow, congrats you are the first one to do it!

It is the third time we spoke together after 2015 and 2017 where I interviewed Alex before your Paris gig.

Oh, it was you! It was the last show of the Europe tour. I was passed out, Greg was done too and Alex was like the only one that was here actually. And Scott is never doing interviews. I was just completely bombed out and it was the only time Alex did an interview: you got a rare treatment because that never happens. I can remember because the place looked like a pool.

Since 2017, you have been: touring for Relatives In Descent, releasing an EP with Kelley Deal and then re-releasing All Passion, No Technique. Quite busy then! What was your mindset before starting working on Ultimate Success Today?

Like you said, we had toured for so long and it was the longest we had ever toured. It was the biggest break between albums which to me is always a worry. It’s always a sign that a band is drifting away from what they should be doing. I think there’s nothing stopping that band from putting out a record a year, except for a label getting in the way or their own laziness. Because I think that fires the artistic juices. So it was a thing of being kind of denied the ability to record because we were touring so much. And as coming off, there is the EP with Kelley deal and re-releasing the first record.

If you want to have a starting point for why this album sounds like it does, I think it’s the EP with Kelley Deal and the collaborations on it, mixed with the urgency and rawness that we had in the first record, but more refined.

« This more accomplished sound allowed me to be more free than I even expected it to be. »

When you start to write music down, how does it work? It’s like music first and you after?

It’s always the music first, which makes it interesting because this time around Greg had a lot of vague ideas of what all these extra instruments were going to make this song sound like. I waited until I actually heard them added to the songs. Then I write some of the lyrics which reminded me of writing for the first record, where it was like off the cuff and last minute.

In a weird way by becoming more accomplished with our sound or bringing a famous avant jazz performer. Because of that, I had to write a little bit more because I always listened to the music first so it allowed me to be more extemporaneous or more free than I even expected it to be. It’s funny how that worked. It was not the plan but I I like to hear the song almost complete so I don’t get in the way of something beautiful. I would hate to put my lyrics down and then have a beautiful saxophone be added and then, my lyrics or my vocals clash with it. I’d rather work within the song as opposed to against it.

In a recent interview you did with Aquarium Drunkard, you said you didn’t want your vocals to be on top of everything and you always have been really humble towards your own performance. How do you work as a singer to avoid redundancy over the years?
Well again, I am the most humble guy you will ever met. It helped, not to be more humble but it helps that the band wants to experiment with the sound because that means that they are going outside of my comfort zone, like when I do a song like “The Aphorist” or “June 21”.

These are songs lyrically or vocally where my ass is hanging out because I can’t hide behind feedback, reverb or loud drums. On those songs like « June 21 », I’m singing during the quiet parts and I’m quiet during the loud parts: I’m actually doing the opposite of what I would like to do. During a loud part, I’m used to yell. The music is pushing me to experiment and to get out of my comfort zone which I appreciate.

With « 21 June », I discovered Nandi Rose and her solo albums. It is striking how different she sounds from what you are doing and how perfect she fits in the song. And it’s working exactly the same with all the new collaborators you got here: how did you met them and how did it work to make all the pieces match?

This time, it was different. In the past, all of our collaborators were friends and they never gonna tell you that your music sucks. Or no, they’ll do it because they’re your friends. But here all of them were complete strangers and we didn’t know any of these people beforehand. With Nandi, the producer David Tolomei just worked with her. She actually wanted to do this sort of thing where she collaborates with people. Like she’s a hired gun and comes in to sweeten something up. She wants to try this out because it was a down period before her album came out, which every musician can relate to. You got nothing going on and you’re waiting for the album to come out so you’re working a new stuff. We didn’t even meet her, she just did all her stuff remotely. That was an interesting thing because you’re getting these files of this beautiful voice sent in and she gave us a lot of different options and things to work with. That was an interesting collaboration.

Jemeel Moondoc came in for one day of work, spent the night before with us and then laid down back for 4 or 5 songs. He did 2 takes each, really professional and then was gone. Fred Lonberg-Holm hung for a couple of days too but Izaak Mills was there the longest and is pretty much on every single song. If you are gonna pick a MVP of collaborators, he was probably the one because he radically changed some of the songs and the way they sound just from being around. It was a great way as the 3 or 4 different collaboration were completely different in terms of intensity and connection and I liked that.

Regarding the production, each record sounds richer, brings more instruments and depth and Ultimate Success Today is going even further. How do you compare the work with the producers you co-produced the previous ones?

I’m going to knock on wood here as we’ve been pretty lucky with producers. We did 2 records with the same fella because the first was our first time in a real studio and we were “wow I want to do that again”. Then the second time, it was completely different and we learned again.

Another reason to push ourselves is to try a new producer: our friends from Cloud Nothings do this with each album where they pick a new producer. You might have had a great experience with a producer but you try somebody else. We had a great experience with Sonny Duperri it was more to try something new and see if our sound stands up to it. It’s not like we just pick a producer out of our hat, we look for producers and usually they’re suggested to us by the label. But some can have a very heavy hand and they want to help you write the songs, have a sonic blueprint and want their fingerprints all over it. We want to avoid those producers, we want a collaborator: we wrote the play and they will direct the play. The text is ours.

I think David just brought a lot of technical expertise, specifically in that studio where we recorded. He knew how to use that studio with discipline, correctly and judiciously. Like you said, the thing I appreciate is the depth of the sound. Sometimes in the past, maybe we got a little muddy or a little bit of a wall of sound. If you listen the loud parts in this album, it’s like looking at deep pools or the bottom of the lake. I like the clarity of the sound.

Totally, the richness of the sound is not disturbing. You can get the track on the first listens and then after, you can discover that this sound is made of this instrument, etc…

A lot of things sounds like guitars: feedbacks on « I Am You Now » are not played by Greg but by Fred on the cello. Originally, « The Aphorist » sounded like a Pink Floyd album. It was whaling, you can hear the saxophone, it sounded like a fireworks factory. All of this have nothing to do with us and it is very beautiful.

What about the donkey?

It’s funny because it reminds me even if it’s totally not the same kind of album the last Ty Segall album where he plays absolutely no guitar but it’s due to the amps. It’s a kind of experience where you need to pass what your ears are hearing. Other topic: are you still in charge of the covers and if so, what’s the story behind the poney?

It’s one of my extra jobs, we all have one. Alex does all the merchandise and I do the packaging. It’s a mule and lyrically it is mentioned a couple of times in the album. I read a book about mules before recording and I just knew even before any song was written for this album that I wanted a mule on the cover. Based just on my own stupid theories.

I already had an idea what I want the next album cover to be vaguely in my head. I’ll try to construct the album around. There’s a lot of songs about labor and working and being beaten down by work on this album and what better way to represent than the hearty mule. That’s why he’s on the cover.

Still with the same kind of frame for the person or the animal in the front of your covers.

What I do is, I pick a very simple image that really has no meaning. Then, the music makes meaning for the image and so the mule looks like a clip art mule or a stocking image of a mule but once you hear about all these songs about illnesses and work… The mule will take out a certain dignity. I hope, the actress on the last record, people put a lot of profound thoughts into her head which I thought was very interesting. I hope the mule gets the same respect and love.

Thanks for the packaging work because lately I bought the vinyl of all your records and with the fanzine and the artworks, it’s great to have a look at it.

If they are all line-up, you will recognize the Protomartyr records. I have a lot of fun for doing it so thanks for saying that.

Inspirations.

People always underlines your capacity to observe the society or here to foresee a specific context I will not speak about. What are your sources of inspiration. Literature, mostly?

Usually, after listening to the music it’s raw emotion and inarticulated speech. Then, I try to think a way to express between something easy and very difficult to understand.

I had actually read about romantic poets in fascist Italy: that was a source of inspiration because they used obscure speech to protect themselves from fascism itself. Because fascism uses very simple and easy to understand speech to reach the people. I try to take ideas like that and apply them. In “The Aphorist”, I try to express raw emotions with poetic speech, which is all poetry. It’s an interesting balance between trying to be understood and trying to be obscure. It’s a way to express yourself without having the need to climb the mountain necessarily. I take things from all over the place, high and low. In “I Am You Know”, there is stuff from the movie Logan’s Run and there’s also the last lines taken from the movie The Master. There are also infomercials, things get mismatched until they lose meaning or win meaning, back & forth.

« I’m using the prime of my life to do music (…)because it gives me a purpose in life that wasn’t there before. »

Within the press release the record is described as the last act of a play in five acts. Meaning the same number of records and now, ten years of existence. When you are thinking about the past, how do you feel?

The older you gets, the decades get more and more depressing. Just because you realize that you may have like that number of decades left and it’s not assured that you will have them. I can look back and it doesn’t feel like a decade. Not meaning that I know what a decade feels like necessarily. I know we still have a lot more to do and I want to do this for the rest of my life. I’m using the prime of my life to do this. I want to burn brightly doing this because it gives my existence some sort of meaning. That’s why when I look at the last decade, it gave me a purpose in life that wasn’t there before. I feel like the band can still say a lot.

For the reason why it’s a five act. When I look back, the same obsessions and themes run throughout the 5 acts and I hope if we have a chance to get a sixth, we could write about new things. If I can’t, there will be a chapter 6! (laughs)

Have you already been approached by a cinema or TV series to do a soundtrack? Because your universe is really dramatic and intense and can really fit in.

We’ve been approached for a couple of Netflix shows. And we were actually supposed to be in the season 2 of The OA. We filmed the scene in LA in this weird club with a giant octopus. It was the most important episode of the series so far and they cut us out, which is very common in Hollywood. I was really excited by the whole thing. Each time we talk about this in interviews, I say it but please if you want us to do the soundtrack to your movie, we would love to do that. That’s our goal. Before anyone can pay us. (laughs)

It’s the one time you can kind of sell out. I was watching an action movie on Netflix yesterday with Charlize Theron and the soundtrack was very pop music of today. I thought one of our song would be just as fine compared to a Billie Eillish song. She has enough money people so put us in movies please!

Less Is… Less

What is the funniest thing that happened to you during the recording of Ultimate Success Today?

The funniest part happened afterwards and this has a little bit to do with the pandemic. We have just announced the record and we hear from the label: “the BBC wants to start playing your song and this is gonna be huge for you.”
We are from Detroit and we don’t really know what this means and they asked us to cut the song as “Processed By The Boys” is too long. We were like, “we will never do it, it’s our art!” The label found a way to convince us and we finally cut it down to this weird, perfect 3 minute version. Even if we thought the track needs its length to work. We are getting really excited, we are going to be famous, played all the time on the BBC. A day later, we received an e-mail saying they accepted the song and then banned it because there is a line mentioning “foreign disease” in it.

Because of COVID, I was banned from BBC. We completely capitulated our artistry to be on BBC and then we got banned. That is the story of our life with this record: the day we announced the album was the day Tom Hanks declared he had COVID. We just had bad luck.

You are not the only one to know bad luck this year. I have this horrible question for you: what are the songs that you prefer to sing on stage?

My songs, the ones I know! (laughs)

One thing I’m not going to have with this album is when you perform songs live, you discover the way you sang in the studio is wrong and you should sing it another way. I will tell you the ones I don’t miss: « Tranquilizer » on the last album would be very hard to sing with all the mumbling. I will have to find a way… I like my songs that are easy to sing!

I’m asking these questions because I read that when you’re doing the setlists for the upcoming tours Greg is sometimes asking songs to be played in a certain tone of guitar. And you will try to pick a song like « The Chuckler » and he will refuse because it’s not in the tone he will play for the rest of the set. I was pissed as it’s one of my favorite.

Me too! Here is another kick in the gutt: Kelley Deal was supposed to be in our upcoming tour, playing guitar, keyboards and backing vocals. Greg was finally OK to play « The Chuckler » as she took the guitar part. Finally I had the chance to performed it one night in Chicago and the tour was cancelled. For once, I won over Greg but I don’t know when I will be able to play this song again.

I know you are friends with Metz, Preoccupations and other bands from that time period because you all came at the same time and I really think this scene of the 2010s is totally underestimated. There are so many bands you can’t even count them: what is the current band you are listening to or watch for?

Recording an album, you are in your own ass for a long time. I would say that a lot of the new post-punk are not very good and stinks. They sound like watered down or junior league versions of existing bands. But one band which has been around for a while and stands heads and shoulders above is Girl Band from Ireland. Their last album is raw as shit: take it or leave it. I hope when people will list out which bands were the most important of these times, they won’t forget this one compared to “the flavour of the month” we have sometimes.

Talking about concerts, have you already done again a 3 encore show like you did at Le Point Ephemere in 2015?

Sadly, I’ve tried to block that out! Usually, people are not asking that much from us but it was nice to got ask for more.

I remember it was a special one and in a definitely needed time. Do we have over songs left from Ultimate Success Today which will come into another EP ?

We have a couple of songs left. There is one song called « The Spectator » we performed live already which is perfectly wonderful but didn’t fit in the album for whatever reason. Because we have nothing going on right now, I hope we can use this time to record some new stuff. Last time I check, everybody was into the idea but we are all living in different places: Alex is in New York, Greg spent the quarantine in Chicago and Scott and I are in Detroit. Once the album is out, we will be free to record again.

Speaking about touring, it will be 2021 anyway?

I stay optimistic but touring might be an issue until next year. International touring won’t happen at all in 2020. We are not a very brave band: I’ll be worried about us and our audience. I really hope there will be a vaccine but here there won’t be enough people to take it among the community. That’s how dumb we are. We are fucked either way in America. (laughs)

You will still have time to run for presidency, no?

Yeah definitely! My escape plan was always to escape to European Union and find an Irish wife and get married. But I can’t even come now, my escape plan is foiled as we will bring diseases. You should build a wall! (laughs)

As Europe is kind of big and with lot of seas, we will try to think of something.

Thanks for your time, Joe!

It’s always good to catch up with somebody every 2 or 3 years. Next time, you will interview Scott and you’ll get the full band: we will make him do it! You will live all the most historical moments from Protomartyr, you are a fly in the wall. (laughs)

Protomartyr was supposed to start a European tour in April, delayed in the fall and now, everything is postponed until 2021. Until then: listen to them, buy their magnificent vinyls and above all, throw yourself into Ultimate Success Today released today.

Photo credits: Trevor Naud.