INTERVIEW – STRUCTURES

A Place For My Hate est le nom du premier album de Structures et sera dispo le 17 novembre chez PIAS. Rencontre avec Marvin et Pierre pour en savoir plus sur les coulisses.

La première fois où je vous ai vu, c’était à la Boule Noire pour la première partie des Murder Capital. Ca remonte à 2019. Que s’est-il passé entre cette période où vous tourniez déjà beaucoup et aujourd’hui ?

On avait fait un EP en 2018 et ensuite, on était en préparation pour faire un album dont on a sorti quelques singles. Puis, le COVID, des questionnements, des remaniements et ça a pris le temps pour savoir ce qu’on avait envie de faire et délivrer un album. Ce qu’on espère avoir fait correctement, on n’a pas voulu presser les choses.

A l’issue de cette période de tournées et de réflexions comment a démarré le travail sur le disque ?

On n’a pas eu de déclic, on s’est juste dits qu’il était temps de faire un album complet. Et on en avait besoin. On a beaucoup tourné avec les mêmes morceaux donc on avait envie de changer le set et notre répertoire. Les morceaux commençaient peut-être à dater : on avait encore des choses à dire mais plus dans le même mood. On a vieilli entre temps, on a gagné en maturité, nos vies ont évolué donc c’était le bon moment pour écrire.

Dès vos premiers titres, on vous a vite affilié au genre indus. Pourtant, on sent qu’il y a beaucoup de changements d’ambiance dans le disque et que vous avez voulu proposer quelque chose qui n’est pas monolithique. Aussi bien au niveau de la musique que de la voix d’ailleurs, qui n’est pas seulement frontale. Comment vous avez fait pour canaliser toutes ces envies ?

Déjà, je ne suis plus tout seul à écrire puisque Marvin participe aussi également à l’écriture. Il a donc fallu aussi canaliser son énergie. (rires)

Pour le coup, c’était plus fougueux que ce que j’avais prévu de faire. On a donc mis tout ça ensemble et ça m’a fait du bien parce que pour une fois premièrement, je n’allais pas crier. J’avais envie de travailler sur d’autres ambiances et sur d’autres manières de chanter.

Marvin : On ne voulait pas se cantonner à un style ou se ranger dans une case. Il y a plusieurs sous-genres mais elle est essentiellement rock.

‘On assume toutes nos influences, qu’elles soient indus, grunge ou new wave. Ce qui a donné ce mélange entre plusieurs styles de rock. Maintenant, on aime à dire qu’on est un groupe de rock.’

 

On sent que le disque prend une tournure plus lumineuse et mélodieuse dès ‘Mod3rn’ et ça enchaîne crescendo. Est-ce que vous avez pensé la tracklist dans ce sens ?

Pierre : On a essayé de le faire pour amener de la variété. Je ne voulais pas d’un album d’un bloc.

Marvin : C’est un album de chansons, tout est uniformisé mais il y a une volonté d’avoir un refrain à chaque fois un peu pop. Ce n’est pas un disque avec une ambiance particulière, où il y a des transitions avec des chansons qui n’ont pas de noms qui durent deux minutes.

Pierre : Pour la tracklist, on a ensuite cherché un sens à l’histoire qu’on voulait raconter. C’était une évidence de commencer par ‘Attitude’ et de suivre ensuite la temporalité du disque lorsqu’on l’a écrit avec notamment les saisons qui s’enchaînent. Quand on regarde bien, il y a beaucoup de textes qui font référence à des repères temporels alors on a essayé de se raccorder à ça. 

Influences et travail maison

Pour la composition, quelles sont vos sources d’inspiration ?

Pierre : Le vécu principalement. Mais parfois, ça nous demander du temps pour assimiler. On écrit beaucoup tous les deux et on a le même procédé d’écriture. Ca part d’une émotion que l’on va essayer de retranscrire avec un instrument. Ensuite, on commence à mettre des mots dessus. Marvin aime certains mots et ça va l’aider à avancer. Moi, je suis plutôt sur des choses liées au subconscient. Je prends le micro, j’ai des mots très clairs qui sortent et ensuite ça se tisse facilement.

Les thématiques sont imposées, on ne va pas les chercher. Ca peut être l’émotion du moment, une humeur. Ca peut prendre une après-midi comme des mois parce qu’on n’a pas encore le recul nécessaire pour mettre les mots juste. C’est comme une rupture : tu as la réaction à chaud et après, tu as le temps qui fait son travail pour savoir vraiment ce que tu penses.

Je tiens à souligner la qualité de la production sur le disque. C’est puissant, il y a du coffre et l’équilibre est là avec de la place pour tous les éléments. En France, on a hélas peu la culture des faiseurs dans la musique. Comment avez-vous été accompagné sur cet aspect ? Même si je me doute de la réponse vu vos sourires…

Marvin : C’est la première fois qu’on fait un disque nous-mêmes de A à Z. On avait la volonté de produire chaque chanson, de rechercher des sons, de jouer d’instruments qu’on n’avait pas l’habitude d’utiliser dans notre musique. Comme le piano, le violoncelle, le clavecin. Via notre ordinateur bien sûr. (rires)

Pierre : On est devenus producteurs durant ce disque. Ca réclame de l’exigence, plus de temps puisqu’il y a eu plusieurs phases. On a créé une espèce de masse organique d’abord pour ensuite découper. Toujours se poser la question de la place de chaque chose, du son, de la pertinence. On a passé aussi beaucoup de temps à écouter d’autres albums, d’artistes qui sont aussi producteurs comme Trent Reznor. D’un disque de Green Day dont je trouve la production incroyablement efficace. Ou encore de Nevermind, d’Alt-J… En faisant attention aux producteurs d’artistes qu’on adore et savoir pourquoi ce disque en particulier a été incroyable.

D’ailleurs, votre expérience de musicien s’est faite comment ? Vous avez appris à faire vous-même ?

Marvin : Sur le tas, à force de bosser. Chez nous, on bidouille nos ordis, les logiciels et nos instruments. Le COVID a aussi servi à ça, avoir le temps d’approfondir. En vérité, même avant de rendre l’album, je ne savais même pas ce que je faisais. C’est pour ça que c’est bien d’avoir les avis extérieurs maintenant parce qu’à un moment, on ne pouvait plus l’écouter. (rires)

 

Le disque a préparé en partie pendant le COVID mais il a été fait en studio ou à la maison ?

Marvin : Il a été fait partout. En studio de répétition de SMACs comme le 106 à Rouen, l’Echonova ou au Point FMR.

Pierre : On a eu aussi une période où on a pu aller dans la maison d’un ami dans la forêt de Fontainebleau. Elle est immense et typée années 70 donc c’était le bon moment pour s’y mettre. On ne s’est pas posé de question avant, on n’a pas cherché à trier. On a pris tous nos morceaux communs pour aller les enregistrer. Par contre, on a pris le temps d’enregistrer de plein de manières différentes. En enregistrant des guitares à l’ampli ou en pré-enregistrant des batteries. C’était DIY : on se renseignait sur une technique d’enregistrement et c’était parti. On jonglait aussi avec des tournées, ce qui nous amenait à revoir des parties. C’est un disque qui a été fait en mouvement, en plusieurs fois. J’aime prendre le temps et le recul nécessaire pour faire les choses.

Aujourd’hui, vous êtes un duo. Cela se passera comment sur scène ?

Marvin : Toujours à 4, avec une alternance en fonction de la disponibilité des musiciens qui nous accompagnent. Axel, Jérémy ou Gaspar à la batterie, Martin ou Ingrid à la guitare. C’est super agréable. A deux, on est le noyau du groupe mais on ne voulait pas être un duo sur scène. On a fait cet album sans le jouer sur scène et sur certains morceaux, tu as 5 guitares ! Il faut donc trouver des solutions pour avoir un rendu de qualité. L’album est ambitieux donc on veut que le live doit être à la hauteur.

Rock en tous genres

Comment vous voyez la scène rock en France aujourd’hui avec l’effervescence actuelle ?

Marvin : Si l’on compare avec l’Angleterre et la scène post-punk qui est très mise en avant, les groupes sont programmés partout et jouent souvent ensemble. En France, c’est un peu plus compliqué car chacun est un peu de son côté. Pour autant, on tourne avec plein d’artistes français qu’on aime et j’apprécie énormément la variété de cette scène. Il n’y a pas de quoi rougir parce qu’il y a beaucoup de styles représentés. Ici, on ressent peut-être moins cette tendance à la dédicace vers d’autres groupes français comme on peut le voir en Angleterre. Par contre, il y a une vraie entraide : on se donne des tips, on se donne des contacts et on s’entend bien. On le ressent moins en France car le rock est moins populaire auprès du grand public.

Pierre : Il y a aussi beaucoup de rencontres qui se font avec des artistes français mais qui ne sont pas du tout dans le même style musical que nous : Lulu Van Trapp, Simia, Bagarre. C’est plus par la rencontre humaine que va se faire l’échange que par le fait qu’on soit de la même chapelle. J’ai l’impression que l’on a une approche plus semblable à celle des Etats-Unis. Où tu as Trent Reznor qui est capable de jouer entre Nine Inch Nails, produire des titres pour des artistes comme Halsey ou Fever Ray et composer de la musique de films.

 

Au-delà de la France, vous avez aussi des envies d’international je présume…

Marvin : Pour l’instant, on a joué au Portugal, en Belgique, en Suisse et en Chine. On veut plus et c’est ce vers quoi on tend. La Chine, c’était une vraie claque de découvrir une autre culture et ça s’était hyper bien passé.

Quelle est la dernière chose qui vous ait fait rire dans le groupe ?

Aujourd’hui, faire du bruit à côté des chiottes pour faire rire l’autre. Mais bon, ça ne marche pas toujours…

En vrai, on se marre tout le temps et les musiciens avec qui on joue sont super drôles aussi. Dans le disque, il y a aussi des petites blagues. On joue souvent avec nos morceaux en changeant les paroles. Sur ‘Roses’, on transforme le ‘Because I Fell the roses’ par ‘Parce que j’écoute les Guns’n’Roses’. Des trucs cons mais qui nous montrent qu’on est sur le bon chemin parce que le timing de la mélodie fonctionne avec pas mal de choses. (rires)

Après une PIAS Nite pour release party le 16 novembre au Nouveau Casino, Structures prépare d’autres dates qui les emmènera notamment au Trabendo le 19 mars prochain.