Eels – Hombre lobo : 12 songs of desire

Pour ce nouvel album de Eels, Mark Oliver Everett nous explique deux choses : il travaillait sur autre chose lorsqu’un beau matin, admirant le reflet de sa belle barbe dans le miroir, il s’est dit que son look ne correspondait pas à sa musique actuelle. Du coup, il s’est attelé à autre chose en prenant pour point de départ la chanson ‘Dog Faced Boy‘ de l’album ‘Souljacker‘. Que devient donc ce velu petit garçon dont on se moquait à l’école ? E en a fait un loup-garou. ‘Hombre Lobo‘ donc. Barbe+Dog Faced Boy, on aurait vite fait de faire comme tout le monde et de se ruer sur des raccourcis faciles comme celui qu’on lit partout : ‘Hombre Lobo‘ est la suite de ‘Souljacker‘. Ce qui est faux et tant mieux car ‘Souljacker‘, s’il reste un album fort célébré, contient trois ou quatre chansons très faibles. En vérité on vous le dit, s’il faut rapprocher ce disque d’un autre album de Eels, ce serait plus facilement du mésestimé ‘Shootenanny !‘. C’est bien simple, ‘Hombre lobo‘ est fait du même bois blues rock que le disque de 2003, même si, on le dit d’ailleurs avec une grande joie, ce nouvel album contient les chansons les plus jouissivement braillardes de Eels depuis l’énorme ‘Souljacker part 1‘.

Pas de révolution donc dans le monde de Eels. Les réticents en auront pour leur compte tant tous les tics de production (le son lo-fi, la voix saturée jusqu’au pénible, les arrangements à la « et la lumière fut ») et d’écriture de E sont en force. On peut comme à chaque fois jouer au jeu du « à quelle autre chanson de Eels celle-ci ressemble ? ». Les gagnants ici sont ‘The longing‘ (=’Bus stop boxer‘+’I need some sleep‘) et ‘All the beautiful things‘ (=’Her‘+’Grace Kelly Blues‘). Ceci dit, ‘Hombre Lobo‘ renoue avec un sentiment très ‘Souljacker‘, pour le coup : celui d’un disque infiniment cool. Un disque sur lequel on hulule ou pleure avec le loup-garou (le single sans refrain ‘Fresh Blood‘, ‘Tremendous dynamite‘, ‘Prizefighter‘) car le concept, au-delà de la bébête, est celui du désire (l’album est sous titrée 12 songs of desire) sous toutes ses formes. Et c’est là que Mr E parvient encore à être incroyablement convaincant. Rock ou pas, cool ou pas, ballade ou pas, famille morte ou pas, Mark Oliver Everett touche droit au coeur comme personne. On a du mal à conceptualiser quel genre d’insupportable Jean-Foutre il faut être pour ne pas se reconnaître dans les paroles de ‘That look you give that guy‘. Les pop songs sont légions (‘What’s a fella gotta do ?‘, l’épatant ‘Beginner’s luck‘) rehaussées ici où là de choeurs et d’harmonies assez inédites, d’un beat hip hop à l’occasion (l’excellent ‘Fresh blood‘) et ce sont d’ailleurs ces passages qui donnent à ‘Hombre Lobo‘ tout son sel. L’album fait tout un tas de boucan tout en restant toujours franchement pop même si on regrette que E confonde parfois simplicité et facilité (‘In my dreams‘ ou ‘My timing is off‘). Ceci dit, malgré le sentiment de déjà-vu, la pureté des mélodies du bonhomme laisse pantois. Les paroles naviguent toujours entre confiance et désespoir, solitude, sentiment de différence, ça sonne toujours vrai et même si la vie n’est pas facile pour un mec à tête de chien battu comme E (à lire : son autobio), il en ressort toujours quelque chose de positif.

Hombre Lobo‘ rassure quand à la santé créative de Mr E dont les derniers inédits laissaient à désirer et 4 ans après le double album ‘Blinking Lights & other revelations‘, Eels revient avec quelque chose de plus digeste, plus fun, plus cool, moins autobiographique, moins « si tu n’aimes pas tu n’es qu’un gros bâtard sans coeur ». Eels creuse le sillon qu’il connaît le mieux, c’est pour ça qu’on aime le groupe. Ou pas.