Isis – Wavering Radiant

[team]T-Bow[/team] : Si Isis s’est chargée seule de réunir le corps démembré d’Osiris, c’est à deux que Marku et moi-même nous sommes chargés d’unir nos pensées, elles aussi démembrées, pour vous parler de ce cinquième LP d’Isis. Rien de moins aisé que de mettre des mots sur ce ‘Wavering Radiant‘ (et le post-core en général, hein mon Marku), suscitant les sensations par touches, mélangeant les saveurs, drainant les fluides émotionnels d’un bout à l’autre d’un prisme allant de la plénitude au tourment en passant par la mélancolie. Très vite, on retrouve des sonorités qui voyagent dans un univers Toolien, la présence d’Adam Jones, gratteux des outils, est évidemment significative sur ce ‘Hall Of The Dead‘ d’ouverture (et dont le final vous gonfle la poitrine d’espoir) mais on se dit qu’il aurait très bien pu contribuer a à peu près tout l’album…

[team]Marku[/team] : C’est certain, surtout que sa présence apporte un élément de plus dans l’argumentation des détracteurs du groupe, voyant en Isis une sorte de Linkin Park du post-core. A noter que le fan de post-truc / sludge / drone, sectaire (big up à tous les aficionados du style), déteste les évolutions et autres virages musicaux, surtout si ça s’effémine à grand coup de chant clair et d’arpèges hautes-perchées — qui ont, semble-t-il, définitivement gagné le coeur d’Aaron Turner (composition, guitare, chant). Et c’est vrai qu’en regardant dans le rétroviseur, ce ‘Wavering Radiant semble bien propret face aux fouettements boueux d’un ‘Celestial‘. Les envolées vocales, les expérimentations électroniques, les rares basses fréquences […] : tout est décrassé. On pourrait, aux premiers abords, croire en un effort studio dénué de saveur, mais…

[team]T-Bow[/team] : Mais au fil des sept titres s’étalant de 7 à 10 minutes (hormis le pulsatoire titre éponyme marquant la collaboration plus anecdotique de Jones), tout s’enchaîne magnifiquement en un clin d’oeil d’une logique évidente : ces sonorités entre Tool et Neurosis (on peut choisir nettement pire), cette basse hypnotisante tout au long de l’album et qui se fait d’une rondeur bleutée telle un cercle parfait (‘Ghost Key‘, ‘Hand Of The Host‘, ‘20minutes / 40years‘, ‘Threshold Of Transformation‘), la présence toujours mieux incorporée de cet orgue donnant une solennité et une plénitude presque religieuse (‘Hall Of the Dead‘, ‘Threshold Of Transformation‘) et contre-balancée par les écorchures vocales de Meyer font qu’un titre comme ‘Stone To Wake A Serpent‘ respire la combustion d’un encens s’élevant en volutes de barbelés. Sans se cloisonner dans un rôle de hurleur, le chant de Meyer se rapproche par instants de la mélancolie d’un Paul Banks d’Interpol et c’est ce qu’il y a d’incroyable dans ce groupe alliant grâce et agression, l’instru de ‘Hand Of The Host‘ donne tantôt envie de s’étirer jusqu’aux cieux pour mieux se convulser en 2 au rythme des assauts vocaux qui viennent vous percuter les tripes, pulsant comme la douleur d’une plaie. Un groupe et un album agrâcif de la plus belle facture.