Nick Cave – Push The Sky Away

A l’aube de ses 56 ans et pour son quinzième round avec les Bad Seeds, Nick Cave sort un album intéressant qui ne tape pas toujours juste. Décrit par son auteur comme beau et mélodique, on pourra ajouter que Push the Sky Away est cohérent et envoûtant par fulgurances. Profondément posé et plus crooner que jamais, l’agitation vient des voix en retrait, d’une ligne de basse, des violons de Jubilee Street. A l’inverse de sa pochette qui nous montre tout dès le premier coup d’oeil, il faudra être patient pour que Push the Sky Away dévoile son potentiel. Se plonger dans les paroles permet d’apprécier leurs finesses comme sur Finishing Jubilee Street, mise en abyme sur l’écriture d’un des autres morceaux de l’album. Un exercice de style qui figure comme l’un des passages les plus lumineux de l’album. Les pistes les plus longues font la différence avec une préférence pour Higgs Boson Blues, complainte blues décrivant un road-trip où Cave joue les rollercoaster. A l’inverse, Mermaids ou Water’s Edge) paraissent trop court comme coupés avant la fin et on peine à reconnaître le caractère habité et fiévreux qu’on impute habituellement au grand bonhomme dégingandé. Auto-influencé par ses dernières B.O de films (The Road, Lawless), Cave hausse rarement la voix et reste dans cette ambiance théâtrale et cinématographique.

Clippée par Gaspar Noé, We No Who You R est le single de l’album et maintenant qu’on a la totalité, il ne trompait pas sur la marchandise. Push the sky away, c’est neuf titres crépusculaires qu’on n’écoutera pas pour headbanger avec mamie. Non, on l’écoute avec la tête pleine d’images : au volant d’une bagnole, songeur à regarder à travers une fenêtre, accompagné d’un bouquin… Nick Cave et ses Bad Seeds nous prennent par surprise en montant plusieurs fois la tension sans jamais exploser comme sur les nombreuses ballades que sont Wide Lonely Eyes ou la fantomatique We Real Cool. Les structures sont trompeuses, la batterie reste en sourdine et on aimerait que le furieux projet Grinderman sorte de son cercueil pour foutre le feu à des morceaux intenses qui pourraient manquer d’énergie. Au fil des écoutes pourtant les morceaux prennent de l’ampleur et on ne doute pas du résultat en live. Pour avoir vu la bête un jour de 2009, je peux vous dire que ça valait déjà le déplacement. Le dernier rejeton des vilaines graines n’est sûrement pas le plus séduisant mais son atmosphère malsaine et mystérieuse mérite sérieusement qu’on y plonge. Très minimaliste dans son approche, il faudra s’investir pour percer l’épaisse couche de noirceur qui l’entoure…