The Dillinger Escape Plan – Miss Machine

Troisième album pour les américains de Dillinger Escape Plan et déjà une renommée internationale à faire pâlir d’envie n’importe quel groupe de néo aux riffs cleans et à la voix cristalline…surtout quand on voit le style dans lequel évolue ce jeune quintet du New-Jersey. ‘Miss Machine‘ exploite en effet toujours ce filon de grind-hardcore-expérimental-jazzy que ‘Under The Running Board‘ et surtout ‘Calculating The Infinity‘ avaient déjà bien creusé. Alors quelle est la recette miracle pour faire passer la pilule à un aussi large public ? Sûrement cette originalité (si on peut encore appeler ça comme ça tant parfois ça semble incroyable que de telles compositions puissent sortir d’un cerveau humain…), et cette spontanéité qui ont marqué tout fan du groupe dès la première écoute. Pour ceux qui ont eu le privilège de les voir sur scène, la prestation de cette pile sur ressorts qu’est Greg Puciato, chanteur, ne peut que marquer les esprits (même si le DVD de lives fourni avec l’album ne permet pas d’apprécier cela à cause de mouvements et effets de caméra aussi psychédéliques qu’inutiles…). Néanmoins, si ce petit dernier possède indéniablement toutes ces qualités, cela n’a pas empêché au son du groupe d’évoluer.

En effet, on ne peut pas passer à côté des ‘signatures’ instrumentales, comme ces petites touches jazz parsemées par-ci par-là (surtout ce ternaire récurant dès lors qu’un son de cymbale s’éternise à la batterie) qui rappellent l’affiliation des membres à ce style, pour beaucoup, trop élitiste, ou encore ce riff dissonant et destructeur que l’on a connu pour la première fois sur l’intro du titre qui reste surement celui qui a posé les bases de ce style nouveau, l’opressant et lancinant ‘43% Burnt‘. Mais si tout cela ne manque pas de nous rappeler à qui nous avons à faire, les surprises ne manquent pas non plus. En effet, ces compositeurs de génie, encore inégalés dans leur style, nous offrent désormais un melting-pot de toutes leurs influences nouvelles, qui vont plonger autant dans l’électro que dans la pop, le punk ou encore l’émo. Le première grande surprise ne vient tout de même qu’au cinquième titre, ‘Phone Home‘, qui démarre sur un beat que pourrait leur envier Massive Attack, sourd et syncopé comme il faut. Mais ce que l’on prenait pour une intro dure et dure encore sur les 4 minutes du titre et nous donne au final ce mélange entre l’ambiance malsaine d’un son à la Aphex Twin (leur collaboration sur l’album avec Mike Patton à porté ses fruits) et la pêche et les effets de voix super sales d’un Alec’s Empire, avec quelques guitares sur les refrains. Etrange, et plus encore lorsque l’on se surprend à penser que la voix pourrait passer à quelques moments pour du Manson…

Et le reste de l’album étale encore ce panel de styles, avec un rock presque léger, enjoué et entraînant (ceux qui ont écouté les précédents sauront à quel point l’adjectif ‘entrainant’ et Dillinger Escape Plan ne devraient pas aller ensemble…), et au refrain en voix claire mais toujours hurlé, mélangeant The Hives et The Blood Brothers pour le titre ‘Setting Fire To Sleeping Giants‘. Mais le plus déconcertant n’arrive que vers la toute fin, sur l’avant dernier titre, ‘Unretrofied‘ qui, quand à lui, fait se rencontrer des couplets d’un phrasé haché, presque rappé sur un son de basse technoïde et des percus que l’on entend d’habitude que dans des salons de tuning avec un refrain polyphonique aérien tout de même très pop sur un fond de samples divers. Tout un programme. On se doute bien à ce moment là que les fans les plus intolérants seront choqués, voir outrés…malheureusement pour eux, car cette richesse et cette diversité est précisément ce qui fait de cet album un vrai petit chef-d’oeuvre.

Ce ‘Miss Machine‘ est donc un de ces albums rentables sur longue durée : déconcertant d’abord, puis intéressant, puis complètement incroyable jusqu’à ce qu’arrive le jour où on ne peut plus passer 2 minutes sans l’écouter. Chaque titre, sans aucune exception, recèle en tout cas au moins un petit passage ou tout dégénère, où le génie créatif s’est mis en action, ces passages dont l’excellence évidente amène le sourire de surprise et de satisfaction au visage de tout auditeur. Le seul reproche objectif que l’on pourrait faire ici serait celui des rythmiques, qui, il est vrai se sont grandement appauvries, quand on réécoute des petits bijoux comme ‘Clip The Apex…Accept Instruction‘ ou ‘Sugar Coated Sour‘. Mais si le changement déplait à certains, il faut qu’ils se disent que pour un beat binaire simpliste peut-être de trop ou une once de pure violence grind perdue, ils y auront gagné le fun de l’ambiance punk, la sensibilité de l’alternatif, des finish dans la veine du progressif terriblement chaotiques et un tout agressivement addictif et sans aucun compromis.