Abused Majesty – Serpenthrone

A la première écoute, si on m’avait dit que ce ‘Serpenthrone‘ d’Abused Majesty était un premier album, j’aurais eu bien du mal à le croire. Et pourtant, n’ayant jamais entendu ce nom auparavant, et après quelques recherches, il y a tout de même bien des choses à dire sur ce groupe qui n’est en fait pas si jeune que ça. Si c’est cette jeunesse qui les a sorti du lot à la parution de leur première démo il y 7 ans déjà (16 ans de moyenne d’âge dans le groupe à l’époque…), on commence bien à sentir avec ce premier album que l’expérience a eu le temps de s’accumuler.

Première chose importante à savoir, les Abused Majesty sont polonais. Si cette étiquette sonne presque déjà comme un gage de qualité pour les amateurs de death, et s’ils font bien partie de cette nouvelle génération aux côtés de Sceptic, Decapitated, Behemoth et compagnie, nos 5 jeunes hommes ont su évoluer vers un son un peu plus personnel. Les blasts made in Pologne sont bien là (‘Reviving The Master Of The Dead‘ toute en brutalité avec une batterie d’une régularité remarquable) mais le style global pencherait plus vers du black, et même, si on osait aller un peu plus loin, vers quelques chose dans une tradition plus scandinave.

J’entends déjà les puristes des hurlements du grand nord qui s’égosillent, s’outrent et virulent (car les puristes ont aussi du vocabulaire). Non, évidemment, c’est pas du Darkthrone, ne serait-ce qu’à cause (grâce ?) à la voix des trois chanteurs qui se relaient derrière le micro, et qui profèrent des gargarismes résolument tournés vers le death, c’est-à-dire profonds et avec un phrasé plutôt haché et rapide. Le premier titre, ‘A Dream Of Sleeping Warriors‘, offre d’ailleurs une bonne vision du panel dont dispose le groupe au niveau de la voix avec ses mid-tempos gutturaux et ses couplets hurlés. Les amateurs apprécieront aussi les solos relativement nombreux et sachant se faire assez discrets pour ne pas gâcher les performances tout à fait honorables des autres instrumentalistes.

Parce que forcément, si à 16 ans on est capable de sortir une démo de death-black ovationnée par la presse musicale, 7 ans plus tard, on est capable de bien plus encore. Et c’est grâce au travail mirobolesque des frères Wieslawscy (Dies Irae et autres collaborations avec Vader) du Hertz Studio qu’on nous donne l’occasion d’apprécier à sa juste valeur cette performance : riffs frénétiques et plus lourds se mélangent, souvent sur un même titre comme le magnifique ‘A Burning Army‘, qui passerait presque avec son son de guitare crystallin et sa mélodie toute en finesse pour une grosse production de la new wave US à la Lamb Of God. La basse, d’une rondeur et d’une douceur rare dans ce style, est mise en valeur deci delà sur des breaks laissant aussi par la même occasion Ghaez, aux claviers, s’exprimer un peu et placer une petit mélodie avant qu’il se remette à pleuvoir des coups de grosse caisse à tout va soutenues par un jeu de cymbales à toute épreuve et plus subtil qu’il n’y paraît.

Pour un premier album, ce ‘Serpenthrone‘ est donc plutôt énorme, avec sa production sans failles et son éxécution exemplaire. Malheureusement peut-être un peu trop exemplaire justement puisque son gros point faible est ce manque flagrant d’originalité. Oui, c’est vrai ils ont trouvé un équilibre entre la violence du death et mélodies torturées du black, oui des claviers utilisés pour une fois avec réserve et nuance ça fait plaisir mais si on prend tout ça séparement, ils n’ont en réalité fait que mixer les grands classiques du genre. Alors certains prendront ça comme encore un nouveau groupe qui gueule et qui joue vite mais on peut aussi prendre ça comme une synthèse de tout ce qui se fait de bien dans le domaine, c’est à chacun de voir.

En attendant, ça reste plus qu’agréable à écouter, tout le monde y trouvera son compte tant qu’on ne s’attend pas à l’album du siècle et puis après tout c’est qu’un début. Bon départ, pour Abused Majesty, maintenant il leur reste plus qu’à se forger une vraie personnalité.