Marilyn Manson – Eat Me, Drink Me

Soyons clairs, ce nouveau Marilyn Manson, je ne l’attendais pas réellement. Peu convaincu par son dernier album studio en date, ‘The Golden Age Of Grotesque‘ mais fervent amateur de ‘Mechanical Animals‘, je pensais mon attrait pour le révérend assez diffus et ce, même si on avait titillé ma curiosité en annonçant un retour à un son plus rock et plus simple pour ce ‘Eat Me, Drink Me‘. Un album influencé par son récent travail sur l’adaptation cinéma d’ ‘Alice au pays des Merveilles‘ de Lewis Carroll mais aussi de façon plus surprenante par sa récente rupture avec la belle Dita Von Teese. Chose peu commune pour un artiste qui s’est employé pendant des années à manipuler, à caricaturer les moeurs et travers de ses congénères. Oui, avouons-le, on était en droit de se demander ce qu’un Marilyn Manson à visage humain pourrait livrer.

Tout d’abord, l’album est empreint d’une simplicité assez désarmante et assez peu commune du registre de Manson. Peu ou pas d’électro, des guitares accrocheuses mais pas aussi déchaînées qu’à l’accoutumée et l’introduction de solos d’un Tim Skold plus adroit qu’on ne le pensait. Un registre musical essentiellement teinté de rock qui trouve une parfaite introduction avec le titre ‘If I was Your Vampire‘, langoureux à souhait, servi par des instruments étonnamment sages et où la voix du révérend occupe littéralement l’espace musical. Ce qui n’empêche en rien l’artiste de se montrer captivant même dans ses compositions les plus mélancoliques façon ‘Putting Holes In Happiness‘ qui s’offre pour le coup, une admirable partition de guitares, un caractère hypnotique de par sa légère touche électro et l’apport d’un solo de gratte bien comme il faut, ne tranchant pas un instant avec le reste de la composition. Avouons même que c’est la guitare elle-même qui imprime bien souvent aux morceaux de cet album leur ambiance, les différents solos distillés tout au long de ce ‘Eat Me, Drink Me‘ apportant une touche rock indéniable à l’ensemble qui font que Tim Skold vole presque la vedette à un chanteur moins mégalo qu’à l’accoutumée.
Je ne le cache pas, certains fans de Marilyn Manson risquent d’être sévèrement déçus devant tant de sincérité et d’audace musicale (ben oui, revenir à un registre si simple risque d’en calmer plus d’un) alliant rock et romantisme. Et si la première partie de l’album vogue entre mélancolie, désillusion amoureuse hypnotique (‘The Red Carpet Grave‘) ou complainte entrainante (‘They Said That Hell’s Not Hot‘), la seconde se fait plus sulfureuse. ‘Evidence‘ marquant ainsi le retour d’une batterie jusqu’alors très discrète ! Un titre vénéneux porté par des instruments inspirés et en parfaite communion avec la voix du révérend. Plus classique de l’artiste, ‘Are You The Rabbit ?‘, mené par une basse énorme et la voix sensuellement tordue de Manson. Tout aussi inspiré et sûrement l’un des meilleurs titres de l’album, ‘Mutilation Is The Most Sincere Form Of Flattery‘, sonnant comme du Marilyn pure souche dont la guitare enlevée nous rappelle à quel point le révérend sait être entêtant, n’hésitant pas à lancer de nombreux ‘fuck you‘ que l’on se surprend à reprendre à tue-tête. Autre réussite de l’album, ‘You And Me And The Devil Makes 3‘, une voix distordue, une batterie lourde, de l’électro savamment distillée, une guitare complaignante, un chant entêtant comme il faut pour un titre dont la seconde partie destructurée est surtout faite de ruptures mélodiques très indus dans l’âme. Rien à dire la seconde moitié d’album se veut plus lourde que la première et s’avère aussi très prenante. Dernier titre de l’album ‘Eat Me, Drink Me‘ dont la fausse montée en puissance nous laisse une sensation d’étrange délicatesse toute gothique, rehaussée par une guitare qui aura décidément été magistrale de bout en bout.
Le seul point faible de l’album est en son milieu avec ‘Just A Car Crash Away‘, l’artiste nous livrant une ballade qu’il aurait peut-être mieux valu mettre en fin d’album histoire de la zapper plus facilement. Même si le titre n’est pas si ennuyeux que ça, il ne se révèle pas forcément le plus intéressant, sa boucle musicale lui confinant une certaine lassitude malgré un habile solo de Skold en fin de composition. Ce ventre mou se poursuit avec le premier single de l’album, ‘Heart Shaped Glasses‘, hommage musical à la nouvelle compagne du chanteur (Evan Rachel Wood) dont le côté calibré radio ne trompe pas et avoue vite un certain essoufflement avec les écoutes.

Avec le recul de nombreuses écoutes, je me dis que l’album n’est pas si facile que ça à découvrir, la faute à son côté très pop/rock, bien loin du métal violent de certains opus de l’artiste. De prime abord assez décevant (presque chiant), celui-ci ne se révèle qu’au fil des écoutes, comme si pour donner une chance à Marilyn Manson l’être humain et non l’antéchrist auto-proclamé, il fallait prendre le temps de découvrir une nouvelle facette de la personnalité complexe d’un artiste hors norme et se livrant au grand jour avec ses qualités et ses défauts d’homme, album d’un genre nouveau pour un Marilyn Manson qui ne se sera jamais révélé par deux fois de la même manière.