Smashing Pumpkins – Zeitgeist

Difficile d’assumer un passé aussi flamboyant que celui qu’a su se forger le chanteur Billy Corgan et ses Smashing Pumpkins, surtout avec les déconvenues Zwan et de TheFutureEmbrace, on pensait le grand chauve définitivement fâché avec le rock, on le pensait lassé de jouer dans un registre lourd. Et bien, première surprise, Billy a enfin retrouvé son sens du rock bien gras, la magie des Smashing Pumpkins opérerait-elle à nouveau ?

En tout cas, ce n’est pas le premier titre Doomsday Clock qui me fera dire le contraire. Le duo instrumental guitare/batterie (assurée avec brio par le fidèle Jimmy Chamberlin) fait à nouveau merveille ici. Ça envoie sérieusement, la rythmique se fait furieuse et bruyante au possible. Ainsi, le titre suivant 7 Shades Of Black se la joue digne héritier moderne du titre Zero, grosses guitares, ambiance torturée et pessimiste, on se dit que l’album se présente bien. Mais si les guitares se font volumineuses en termes de son, il semblerait que Corgan ait eu la même idée pour la voix. Petit hic, ce n’est pas aussi efficace. Le problème est que cela confère un réel sentiment de surproduction, pénalisant Zeitgeist par une unité de son, abolissant toute sensation d’une diversité que l’on retrouvait jusqu’alors sur bon nombre d’albums de la formation. En tout cas, je dois reconnaître à Corgan cette capacité à composer des instrumentales toujours aussi réussies, That’s The Way (My Love Is) en tête. Titre clairement digéré de la période Machina (je pense à Try, Try, Try) et sur lequel la guitare n’hésite pas à s’envoler le temps d’une plaisante petite décharge électrique. Tout comme le single franchement efficace Tarantula, à base de riffs décomplexés et dont l’énergie se révèle communicative, bien plus encore sur scène. La scène, parlons-en d’ailleurs, car si un titre comme For God And Country m’avait plu dans sa version live et acoustique, l’arrangement studio proposé, lorgnant clairement du côté de la new wave est loin de se montrer aussi intéressant. Quant au morceau de bravoure que seul semble encore se permettre le groupe ; United States et ces 10 minutes de composition heavy metal en dents de scie, il souffre d’une première partie quelque peu répétitive où les laleulaleula de Billy se montrent moins convaincants que la guitare et la batterie, travaillant d’un commun accord pour nous en mettre plein les oreilles, la fin de composition étant heureusement bien plus prenante, le frontman y lâchant tout pour notre plus grand bonheur. On regrette dès lors que le groupe n’ait pas fait le pari de l’épique et complexe Gossamer et ses 20 minutes ! Plus risqué, il aurait certainement permis à cet album de montrer que le grand chauve ne craint pas de traîner le nom des Citrouilles dans la boue du rock dans laquelle le genre semble s’être embourbée ces dernières années.
Force est de constater qu’avec les écoutes, on revient sur des passages, des riffs comme ceux du sympathique Starz, moins pompeux que le titre ne le laissait présager, l’insertion de choeurs étant cette fois franchement judicieuse alors que Chamberlin s’y révèle une nouvelle fois fin technicien de la percussion franchement azimutée. Et si Bring The Light permet à la guitare de prendre le relais, puisant sa force dans son opposition de saturation à la voix du chanteur, ça manque clairement de tubes incontestables tout ça. Même là où les Smashing Pumpkins ont déjà su se montrer très forts, c’est-à-dire dans les titres plus lents, on s’ennuierait presque (Neverlost) voir furieusement avec Pomp And Circumstances. D’ailleurs, Corgan reste fidèle à lui-même en plaçant un dernier titre bien souvent talon d’Achille chez les Citrouilles, celui-ci ayant tout de même eu le don particulier de me gaver quasi-instantanément !
Un petit mot sur l’idée de sortir différentes versions d’un même album parce que si vous y prêtez bien attention, parmi elles, on trouve des titres (Stellar, Death From Above et Zeitgeist, pour les citer) qui viennent quasiment se greffer en milieu d’album et non en bout de course, façon titres bonus ! Un fait plutôt curieux quand en plus, on arrive à jeter une oreille à ces trois faces B. Si Death From Above semble tout droit émaner de la période solo de l’artiste et s’avère judicieusement relégué au titre de seconde zone, les six minutes de Stellar démontrent bien une certaine capacité à proposer autre chose. Face-B toute en délicatesse, portée par une guitare claire, sans excès de production, une douceur et une ambiance qu’on n’avait pas encore goûtées sur l’album standard et dont le solo tout en délicatesse et quelque peu stellaire en font un titre indispensable selon moi ! Le titre éponyme Zeitgeist est en fait ballade acoustique des plus agréables, loin de dénaturer l’identité d’un groupe au catalogue aussi chargé qu’une arche du rock n’roll destinée à sauver le genre du raz de marée émo de ces dernières années.

Au final, on retiendra de cet album une certaine volonté de Corgan à vouloir bien faire, peut-être trop, se laissant ainsi quelque peu dépasser par une production trop léchée, trop présente. Ceci dit, je ne peux qu’encourager le chanteur à faire perdurer l’histoire de ce groupe qu’il aime et que j’aime en le prévenant toutefois des méfaits de la surproduction, à la façon d’un de ses nombreux films hollywoodiens au casting d’enfer dont on attend beaucoup mais dont les seuls effets spéciaux finissent par trahir un manque de personnalité de la réalisation, livrant un film sympa, ressorti à l’occasion, parce qu’on avait bien aimé quand même. Cet album finalement, divisera plus qu’il ne rassemblera mais qu’importe, chacun se fera son idée de la nécessité de cette reformation. Dans tous les cas, j’attendrais le prochain album sans problème pour voir si le nom des Smashing Pumpkins est dignement repris ou malheureusement utilisé.