AqME – Hérésie

Il aura fallu attendre le mois de décembre 2007, avec l’apparition sur MySpace du titre ‘312‘, pour que l’intérêt que je portais à AqME ressuscite. Lourd, gras et fougueux, ce morceau renouait avec le meilleur de ‘Sombre Efforts‘ ou ‘Polaroïds & Pornographie‘. Et ne rappelait en aucun cas ‘La Fin des Temps‘. C’est grâce à ce dernier point que je me suis surpris à rêver d’un retour en force des parisiens. Alors, ‘Hérésie‘, coup gagnant ou descente aux enfers ? En tout cas, pour ce qui est de l’artwork, c’est épuré, torturé, et bien joué.

Le premier constat est plutôt rassurant : Ben’ Rubin n’a pas reconduit son jeu bluesy, terriblement fade, et encore moins varié que les grilles d’accords de blues que l’on apprend à un élève de première année en classe de guitare moderne, qui était présent sur ‘La Fin des Temps‘. ‘La Fin des Temps‘… Aussi émotionnellement agité qu’un encéphalogramme plat, et seulement remué par les neuf étonnantes minutes du titre ‘Ainsi soit-il‘, le troisième album d’AqME avait été abondamment critiqué pour ce son si lisse et inapproprié, pour ne pas dire raté. Cela tombe bien, le gratteux a refourgué ses exercices d’entraînement guitaristique dans son side-project Die On Monday, en compagnie de la rocailleuse voix de Toni d’Enhancer, et bizarrement leurs premières démos sonnent biens, comme quoi… Bon, on en était où ? Ah oui, ‘Hérésie‘.

Daniel Bergstrand est de retour aux manettes, et ça s’entend. Le suédois, qui a produit les deux premiers LP du groupe, redonne à AqME ce son si particulier qui était leur marque de fabrique, comme en témoigne l’intro’, éponyme, qui pourrait être assimilée à un écho de ‘Sombres Efforts‘. Cependant, plus questions de retrouver des hits tels que ‘‘Si’ n’existe pas‘ (2002), ‘A chaque seconde‘ (2004), ou une niaiserie radiophonique du style de ‘Pas assez loin‘ (2005). En effet, ‘Hérésie‘ est assez difficile d’accès, et doit bénéficier de plusieurs écoutes attentives pour pouvoir se dévoiler pleinement. Côté chant, Thomas hurle beaucoup plus que sur les précédents albums… Et de façon maîtrisée ! Le grand mélancolique (cf. le CD’Aujourd’hui spécial AqME) n’est pas devenu le meilleur chanteur-parolier de l’hexagone, il ne fera toujours pas l’unanimité, mais il n’a pas à rougir de ses performances, souvent discutables par le passé. D’accord, certains de ses textes transpirent la facilité (‘Cette souffrance a déjà un nom, elle s’appelle vie‘ sur la néanmoins réussie ‘En Saga Om Livet‘), mais l’ensemble est plutôt satisfaisant. Mais malgré cette amélioration, les premières écoutes sont fatigantes et laborieuses, en grande partie à cause des déchirements vocaux qui, accompagnés d’instrus lourdes et graves, assomment l’auditeur. Mauvais point ? A vous de voir. En tout cas, hormis la déjà connue ‘312‘, le seul morceau se détachant de cet amas de décibels, quand on n’a pas encore dompté le disque, c’est ‘Romance Mathématique‘, avec sa mélodie douce et délicate, au chant agréablement apaisé (bon d’accord, ça crie un peu sur le break).

Cependant, on repense au sentiment de déception qui hantait pas mal d’amateurs du groupe après la sortie de leur troisième album. Et cette quatrième livraison se révèle être, au fil des écoutes, une sorte de soulagement. Plus du tout bluesy mais légèrement stoner, métallique sans pencher dans le néo, surprenant de lourdeur sans oublier quelques judicieux passages mélodiques, ‘Hérésie‘ livre son lot de bons moments, même si le plus gros défaut de cette galette, c’est son handicapante linéarité. Malgré ça, outre ‘Romance Mathématique‘ et ‘312‘ déjà cités, ‘A.M. : Jour de Pluie‘ en étonnera plus d’un avec son outro que certains groupes de post-hardcore ou sludge ne renieraient pas (là, j’en vois qui toussent, et pourtant) ; le refrain mélodique d »Un Goût Amer‘ restera avec insistance dans les têtes, tandis que des morceaux à l’ambiance plus virulente comme ‘Les Enfers‘ ou l’excellente et furieuse ‘Casser/Détruire‘ (la chanson que l’on attend d’eux, où les quatre acolytes font preuve d’une grande efficacité) réjouiront les plus déchaînés. Une chose est sûre, c’est que ces morceaux sont taillés pour le live, avec des sonorités plus proches d’un Will Haven que d’un KoRn* (tiens, j’en revois qui toussent, et pourtant, mes amis, et pourtant).

Le constat final est simple : AqME se replace sur la scène metal française, sans pour autant jouer la facilité avec cet ‘Hérésie‘ gras et chaotique. Pas une pièce maîtresse, certes, mais un coup gagnant. Les compositions intéressantes sont, en fin de compte, plus nombreuses que les titres anecdotiques, et risquent fort de créer du mouvement durant les lives. J’irai vérifier, promis.

*Si vous voulez m’envoyer vos insultes ou vos menaces de mort en rapport avec cette partie de phrase, faîtes-le donc via les MP, cela ne va pas plaire à tout le monde, mais la comparaison illustre au mieux le virage d’AqME.