The Replacements ✖︎ A l’étranger

Londres, envoyé spécial et pas mécontent de l’être. L’ambiance est cosy au Roundhouse, tout le monde semble fonctionner à l’économie, à petites gorgées de bières et conversations sussurées. Coup d’œil autour de nous pendant qu’un DJ enchaine un sans faute (« September Gurls« , « Celebrity Skin« , « Freakscene« , « I can see for miles« , « Turn turn turn« , « Gold Soundz« , « Sick of goodbyes« …), les moins de 30 ans n’existent pas ici, les barrières symboliques d‘une prod des années 80 sont parfois infranchissables avec les Replacements. Tout juste quelques gentilles et jolies jeunes filles ont accompagné leurs papas qui vont vivre la soirée dont ils rêvent depuis deux décennies. Des papas, des mamans et un grand mec en veste blanche qui traverse tranquillement la salle bière à la main. Doté d’une impressionnante coiffure à la Elvis, le type dégage ce on-ne-sait-quoi en plus qu’ont les vraies rock stars. Il se dirige backstage et on aperçoit sa veste blanche immaculée disparaitre au loin.

20 minutes plus tard, Tim Rogers a changé de veste lorsqu’il monte sur scène et le calme qui régnait jusque là se transforme en tornade lorsque You Am I démarre le riff lourd de « Junk » qui ouvrait leur quatrième album. A droite de Tim Rogers, Davey Lane –le fan devenu membre du groupe-impressionne de coolitude même si les yeux sont rivés sur le mec au centre. Il bouge comme Elvis avec une guitare, fait des moulinets comme Pete Townshend, a l’écriture sensible de Ray Davies et l’attitude de Keith Richards. Pendant « Minor Byrd« , Tim Rogers chante « Uptown funk » et se fend même de la chorégraphie. Les timides applaudissements d’une foule pas là pour eux deviennent doucement un plébiscite à chaque chanson. Il faut dire que tout le monde n’a pas à offrir un « Mr Milk« , un « Billy« , un « Trike » et un « Good Morning« . A partir de cette dernière, You Am I est en lévitation musicale et le public en a pour son pognon. Le son est parfait, le groupe est parfait, le répertoire est parfait. Lourd, gras, bluesy, c’est un putain de groupe de rock devant nous. Trois chansons de « Convicts« , l’album reboot de 2006 (« Gunslingers« , « Friends like you » et « It ain’t funny« ) et ensuite « Cathy’s clown » avant le grand final à deux têtes : l’incroyable « How much is enough« , le type de chanson qui fait pleurer les mecs et ensuite, Tim Rogers prend la parole tout en jouant sans fin le premier accord de « Berlin Chair« . « You‘re in for fucking treat guys… » avant de lancer les paroles dont tous les fans de You Am I rêvent « if half of what I’m saying… ». « Berlin Chair« , l’une des 3 meilleures chansons rock des 90s. Le public est en transe pour ce groupe qu’il n’est pas venu voir, une ovation. Le mec derrière moi me tape sur l’épaule : « do you know that band ? They’re absolutely fantastic ! ».

« Dreams do come true » dit Tim avant de quitter la scène. Ah putain oui, ce n’était que la première partie et on est déjà sens dessus dessous. Très rapidement les lumières s‘éteignent, Back in black à fond dans la sono et paré à nouveau de sa veste blanche, on voit Tim Rogers se placer dans la fosse quand Paul Westerberg arrive en courant sur scène et les Replacements démarrent pied au plancher avec « Takin’ a ride« . Très punk, Westerberg se casse lamentablement la gueule devant la batterie mais très pro il continue de jouer même s’il avouera plus tard durant le concert s’être fait bien mal au cul. « Favorite thing » ensuite. Les gens sont heureux, se serrent dans les bras à chaque fois qu’une chanson commence et on repense au documentaire Color me obsessed et de cette nana qui pleure en évoquant le groupe. On repense à Westerberg qui évoque ses fans « si tu ne nous aimes pas c’est que tu as des goûts de chiottes, si tu nous aimes c’est que tu es un putain de suiveur ». On entend ces paroles « you think I’m weird but I don’t give a single shit ». Overdose émotionnelle. « Tommy gets his tonsils out« . Parlons-en de Tommy. A droite de Paul Westerberg, il est l‘homme le plus cool du monde, souriant, déconnant, positif. Positif est le mot clef car malgré tout le cynisme de Westerberg, malgré son armure punk on sait que ce petit mec est une boule de sensibilité et il voit aussi bien que nous que c’est un putain de bonheur qu’il est en train de distribuer, il voit aussi bien que nous que chacune de ses chansons est un hymne incroyable. Dès la sixième chanson, « Waitress in the sky« , le concert bascule dans l’exceptionnel, le public est fou, les mecs pleurent de joie, les nanas pleurent de joie et il n’y a aucun temps mort dans l’intensité, surtout pas dans les chansons plus calmes comme « Androgynous » ou « Sixteen blue » (écrite pour Tommy pour ses 16 ans). Il est fantastique d’entendre toutes ces chansons comme elles auraient dû sonner sur disque : avec la frappe herculéenne de Josh Freese (lui aussi tout sourire), ses guitares énormes, « I’ll be you » prend par exemple toute l’envergure de tube monstrueux que l’histoire lui a refusé. « I will dare » et son dernier couplet joué en mode supersonique sonne le triomphe, plus tard « Within your reach » est aussi touchante que foutraque, Westerberg fait son one man show du mec qui a besoin du public pour se rappeler les paroles sans qu’à aucun moment l’émotion de la chanson ne disparaisse. Si chaque chanson est un hymne, c’est tout de même « Bastards of young » qui remporte la palme, dans la foule Tim Rogers chante le poing levé «the ones who love us least are the ones we’ll die to please » au milieu de 2000 personnes qui hallucinent debout. Personne n’a aussi bien parlé pour eux que ce petit gars qui s’allume ensuite une clope et laisse le guitariste Dave Minehan chanter les deux covers (« My boy lollipop » et « Be my lover« ) avant de quitter la scène. Rapidement Westerberg revient sur scène seul et entame la magnifique « Skyway« , ballade céleste Big Star-ienne et « If only you were lonely« , face B du premier album et déjà un indice que ce mec n’était pas qu’un punk alcoolo. L’excellente et moqueuse « Seen your video » en forme d’index tendu au mainstream puis « Left of the dial » en hommage à tout le courant alternatif des 80s et enfin « Alex Chilton » comme pour conclure une trilogie d’un monde musical idéal. Le groupe salue et quitte la salle. 28 chansons comme 28 uppercuts, les cheveux dressés sur la tête, KO mais heureux et surtout la certitude ultime que Paul Westerberg est le meilleur de sa génération. Heureux d’avoir réalisé un rêve tellement dingue qu’on y avait jamais songé : voir le Sallinger du rock deux fois en une semaine (après la folie furieuse du concert du Primavera), voir You Am I et les Replacements le même soir, chanter « Berlin Chair » et « Bastards of young« . Dreams do come true.

« Are you satisfied ? » demande Westerberg dans son chef d’œuvre. Si dans la chanson la réponse est évidente, ce soir elle l’est tout autant. I’m so satisfied.

Set List You Am I :

Junk
Minor Byrd
Mr Milk
Billy
Trike
Good Morning
Gunslingers
Friends like you
It aint funny
Cathy’s clown
How much is enough
Berlin Chair

Set list Replacements :

Takin a Ride
Favorite Thing
Tommy Gets His Tonsils Out
Little Mascara
I’m in Trouble
Waitress in the Sky
Valentine
Kiss Me on the Bus
Nobody
Androgynous
Take Me Down to the Hospital
I Will Dare
Color Me Impressed
I Want You Back
(The Jackson 5 cover)
I’ll Be You
Hangin Downtown
Sixteen Blue
I Don’t Know / Buck Hill / I Don’t Know
Within Your Reach
Can’t Hardly Wait
Bastards of Young
My Boy Lollipop
(Barbie Gaye cover)
Be My Lover
(Alice Cooper cover)
Encore:
Skyway
If Only You Were Lonely
Seen Your Video
Left of the Dial
Alex Chilton