Interview ☭ CYTOTA

Ce soir-là à Paris pour CYTOTA, c’était la grande première : premier concert hors UK de leur jeune carrière, et premier live avec leur nouveau chanteur, Griffin Dickinson.
A cette occasion, j’ai justement pu rencontrer Griffin et Youssef, l’un des guitaristes du groupe, pour faire plus ample connaissance.
Groupe de metalcore de Birmingham, les 5 camarades sont prometteurs, et malgré un humour décapant, affichent déjà un grand professionnalisme et une volonté de fer. Enfance, influences, poils de barbe, qu’est-ce qu’une bonne chanson, ou un bon groupe, tout y passe !

Salut les gars, et bienvenue à Paris !
Griffin : Merci beaucoup ! C’est notre première fois ici en tant que groupe.

Justement, c’est une première à plusieurs niveaux : première date avec toi Griffin qui vient tout juste d’intégrer la formation, et première date hors Angleterre pour le groupe ! Comment vous sentez-vous ?
Griffin : Les gens ne doivent pas connaître notre musique vu qu’on n’a jamais tourné ici auparavant, mais j’ai hâte !
Youssef : Ce soir il n’y a aura pas de disparités musicales [il n’y avait que des groupes de metalcore à l’affiche, ndlr], donc on espère que ça va plaire !
Griffin : On a vu qu’il y avait pas mal de monde qui attendait dehors, donc ça veut dire que les gens sont plutôt curieux, ça fait plaisir !

Vous savez en France le public est plutôt réceptif, donc je pense qu’il n’y aura pas de souci !
Griffin : C’est cool parce qu’à Londres, le public est juste là et a l’air de s’en foutre, même s’ils aiment la musique ! Ils boivent et discutent …

ça n’existe que moyennement ça en France, la majorité du public est là pour la musique en général …
Youssef : Et c’est une bonne chose !

Mais revenons à nos moutons : est-ce que vous pouvez un peu présenter le groupe, pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de vous ?
Griffin : Je suis Griffin, je suis nouveau, c’est mon premier concert avec CYTOTA. Je les ai rejoints il y a un mois et demi. Ça fait cinq ans que je connais ces gars car ils jouaient sur la tournée dans laquelle je bossais et … ouais les gars vous avez un parcours assez dingue !
Youssef : Ouais c’est vrai. Je suis Youssef donc, je joue de la guitare dans le groupe, et oui c’est un nouveau chapitre pour nous.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Youssef : Alors en fait, notre batteur a rencontré notre ancien chanteur à un concert de Fightstar. Moi, j’ai toujours fait partie de groupes avec Harry [le batteur, ndlr], donc ça s’est fait naturellement.

Et pour toi Griffin ?
Je les connais de tournées, je devais aider à monter les batteries mais en réalité je me bourrais souvent la gueule et prétendais que tout marchait niquel (Rires) Et puis un jour je suis entré dans leur loge, je me suis fait jeter dehors, et ils se sont dit « hey ce mec peut nous être utile ! » (Rires) Mais j’ai l’impression qu’ils sont en train d’atteindre leur seuil de tolérance (Rire général)

A quel moment de votre vie vous vous êtes dit « je veux devenir musicien/chanteur » ?
Youssef : Et bien … c’est dans notre ADN, vraiment. On a grandi dans un environnement musical, donc ça semble naturel de faire de la musique. J’ai toujours été dans des groupes, et j’ai toujours adoré la musique donc … .

C’est une grande décision aujourd’hui de se dire « je vais commencer une carrière pro », du coup à quel moment l’avez-vous prise ?
Youssef : Et bien, c’est un peu comme ça que tout a commencé, on a décidé de faire ça parce qu’on adorait ça : on a tous eu un groupe à l’école, répétant dans nos petits garages avec nos minuscules amplis. C’était un hobby, et puis les choses se sont enchainées, et c’est devenu plus concret. Mais la chose la plus importante au final, c’est de garder cela intéressant, « frais ».
Griffin : Il n’y a pas vraiment eu de moment précis où je me suis dit ce genre de choses, mais en y repensant, je pense que c’était quand j’ai vu un clip de Limp Bizkit à la TV. Voir Fred Dust sauter partout comme ça, avec ces filles qui dansaient derrière lui, le rêve quoi ! (Rires)

Est-ce que vous aviez une sorte de héros dans votre jeunesse ? Un musicien qui était votre modèle ?
Youssef : Pour moi en tant que guitariste, j’adore Joel Stroetzel de Killswitch Engage. A chaque fois que je les ai vus en concert, c’était incroyable !
Griffin : Je suis un peu hétéroclyte, j’aime les gens de différents horizons, mais j’aime beaucoup Jason Butler de letlive.. C’est une grosse influence pour moi, il a une énorme présence sur scène, une grosse énergie qui se dégage de lui, et vocalement … c’est tellement différent !
Récemment, j’ai découvert Tyler Carter de Issues, j’adore son côté RnB et soul. J’adore évidemment Zach de la Rocha, et là je sens que j’enfonce une porte ouverte puisque tout le monde l’aime (Rires).
J’aime également Rob Damiani de Don Broco, mais évidemment Youssef est l’un de mes héros !
Youssef : oohh merci mec ! (Rires) Plus sérieusement, je pense qu’il s’agit surtout du mélange qui résulte de toutes ces influences, on essaie de choisir le meilleur de ce qui nous a influencé.

Quel a été le premier CD que vous ayez acheté ?
Youssef : Je n’en suis pas très sur parce que c’était des cassettes, mais c’était peut-être une cassette de Linkin Park, Hybrid Theory, et Limp Bizkit Chocolate Starfish.
Griffin : Je me souviens très bien être allé acheter un CD des Red Hot Chili Peppers, mais je ne comprenais au rien concept de « l’album » et ça m’a fait chier que Californication et By The Way ne soit pas sur le même album, et que je doive en acheter deux ! (Rires général) Je me revois devant le présentoir en train de me dire « putaiinnn !!! » (Rires) J’avais huit ans à l’époque.
Youssef : il y avait aussi SUM 41, Blink-182
Griffin : Comment il s’appelait déjà l’album des SUM 41 avec toutes les têtes ?
Youssef : All Killer No Filler
Griffin : Ah oui c’est ça !
Youssef : Cet album est vraiment un des meilleurs !
Griffin : Tu te souviens avec cet album il y avait un DVD, et quand je l’ai regardé, je m’étais dit « waouh cette vidéo est pleines de bites ! ». Mes parents étaient entrés dans le salon à ce moment et m’avaient hurlé dessus « mais c’est quoi ce putain de truc !? » (Rires général)

Qu’est-ce qui vous inspire pour composer ?
Griffin : Ouais en fait on était en studio la semaine dernière pour enregistrer une chanson qui emballe pas mal de monde. Ça parle de quand les gens te font chier … en fait tout est dit dans le titre de la chanson, Shapes, être énervé par le fait qu’où que tu ailles et quoi que tu fasses, les gens essaient de te façonner, de te mettre dans un moule, de te faire accepter leurs idées, de les suivre, et en gros ça dit « non on ne fera pas ça », parce que sinon on finira par tous être pareils …
De toute façon ça sonne toujours mieux quand tu penses vraiment les paroles, ou quand tu kiffes ne serait-ce que la partie guitare de ton morceau. Tu peux transformer ta chanson en voyage sans coller aucune parole. Mais ça aide toujours un peu d’avoir les nerfs pour écrire de toute façon (Rires)

Donc tu penses que pour faire une bonne chanson, il faut être triste ou énervé ?
Griffin : Je pense que ça aide beaucoup ! Quand tu écoutes ces groupes qui ont commencé tout en bas, mais qui n’ont plus de problèmes maintenant, leurs albums semblent plus ternes, ils n’ont plus rien à dire dans leurs chansons.

Donc une chanson joyeuse n’est pas une bonne chanson ?
Griffin : Non ce n’est pas ce que je pense, je parle plus d’un attachement émotionnel, quand tu ressens vraiment ce que tu racontes.
Lolu : Personnellement je pense que les meilleures chansons sont les plus tristes, ou celles pleines de ressentiments …
Youssef : Oui, celles qui ont des sentiments plutôt extrêmes en fait.
Lolu : Oui mais pas seulement, quand j’y pense, il n’y a aucune chanson extrêmement joyeuse qui me vienne à l’esprit !
Griffin : C’est difficile je pense de décrire ce sentiment de joie intense quand on le ressent. Quand tu es d’humeur sombre et que tu as pleins de problèmes, c’est beaucoup plus facile de tout balancer d’un bloc !
Lolu : Oui c’est vrai ! Bon de toute façon Pharrell Williams a apparemment réussi à le faire, donc ça doit être possible ! (Rires)
Griffin : Cela dit il n’avait pas l’air si heureux que ça quand je l’ai vu chanter sa chanson ! (Rires)

Pour revenir un peu à votre groupe, votre précédent chanteur vous a récemment quitté, comment avez-vous vécu cela ?
Youssef : C’était une décision mutuelle en fait … je ne peux pas vraiment te dire « il s’est passé ça, ça et ça », c’est juste que lorsqu’on s’est concertés et dits « bon, quelle est la prochaine étape ? », c’est arrivé sur le tapis.

Est-ce que cela a eu un impact sur le groupe ? Est-ce que cela a renforcé vos liens par exemple ?
Youssef : Oui énormément. Et puis avec l’arrivée de Griff j’ai l’impression qu’on a fait un pas en avant, c’est comme une nouvelle chance.
Griffin : Il n’a pas été tout-de-suite remplacé, donc avoir quelqu’un qui part du groupe, ça affecte toujours les membres puisque tu ne peux plus faire de concerts alors que tu es prêt à le faire.
Youssef : Oui c’est exactement ça, tu te remets en cause en quelque sorte.

C’est votre première tournée en Europe, est-ce qu’on vous a donné des conseils ?
Youssef : On connaît pas mal de gens dans l’industrie musicale en fait, donc on a eu pas mal de conseils de la part de nos amis, nos familles, des groupes avec qui on a tourné.

Quels genres de conseils ?
Griffin : Toujours prendre un pantalon de rechange ! (Rires)
Youssef : ça reste une tournée, il n’y a que les prises électriques qui changent ! (Rires)
Griffin : Oui toujours prendre un adaptateur, ta propre serviette de toilette, ne bois pas l’eau du robinet …
Lolu : C’est bon en France tu peux la boire !
Griffin : ah ça me rassure parce qu’hier quand on est arrivé à notre hôtel j’ai bu l’eau du robinet ! Sinon mon frère m’a dit « si tu es nerveux, mets-toi devant un mur et fais comme si tu allais le défoncer » … et en fait je pense que ça marche !

Question un peu difficile, mais qu’est-ce qui vous différencie des autres groupes ?
[Apres un long silence] Griffin : Je pense qu’on a tous des coupes stylés !
Youssef, mort de rire : Ouais c’est la base !
Griffin : Et les poils du visage sont …
Youssef : au poil ! (Rires)
Griffin : Mais au niveau de l’industrie on est encore en bas de l’échelle !
Youssef : Ouais, plus tu avances dans le métal, plus tu trouveras de la barbe. Je pense que c’est comme quand tu fais un cheesecake, c’est juste une question de bonne base (Rires général), et ensuite le cheesecake sera forcément bon ! Cependant …
Griffin : Un peu plus sérieusement ! (Rires général) …….. Youssef ? (Rires)
Youssef : Je pense que ce qui nous rend différent est qu’on s’amuse. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. C’est ça notre différence (Rires)

Lolu : Hey mais je pense que c’est hyper important ! Parce que tu peux le sentir sur scène. Les mecs de CROSSFAITH sont dans le même état d’esprit : juste s’amuser, apprécier le moment présent. Je pense même que c’est la chose la plus importante, ne pas oublier que tu es là pour t’amuser.
Griffin : En même temps tu es là pour fournir un service, les gens paient pour voir ton talent, et toi tu dois monter sur scène, c’est différent … enfin bon tu vois je suis un humain, mais en même temps je dois DONNER AUX GENS CE QU’ILS VEULENT ! (Rires)

Lolu :Oui enfin c’est quand même un job à part. Ok tu es payé pour faire ça, mais ton travail, c’est donner des émotions aux gens … je dirais qu’un groupe, c’est un peu comme une fabrique à émotions ! Je ne pense pas que se dire « je suis ici pour donner au public ce qu’il veut » soit la bonne façon de procéder …
Griffin : Pour ce qui est de rester humble et se souvenir de ses racines, oui effectivement ce n’est pas la bonne perspective. Mais comme tu l’as dit, oui le plus important c’est de montrer des émotions et s’amuser tout en faisant un bon concert.
Youssef : Au final, ce que l’on veut des autres groupes en tant que spectateur, c’est ce qu’on doit faire.

Vous me parliez tout à l’heure d’un enregistrement en studio, vous pouvez m’en dire un peu plus ?
Griffin : La chanson est arrivée vite. Je suis arrivé dans le groupe à la mi-septembre, et les gars ont tout-de-suite mis sur les rails la nouvelle chanson. On a dû la réécrire 3 ou 4 fois … ?
Youssef : Pleins de fois !
Griffin : Ouais voilà. Puis on est retourné en studio, on a encore réécrit la chanson. Mais on est vraiment content du résultat, c’est le meilleur de ce qu’on ait pu faire jusqu’à présent. Pour l’instant c’est encore en phase de mixage, on n’a pas encore eu les droits du label, mais ça sonne vraiment heavy.
Youssef : On est plutôt un groupe qui bosse rapidement, on ne prend pas de jour de pause. Donc pour quelqu’un qui vient tout juste de rejoindre notre groupe, on a pensé que créer cette chanson était un bon moyen d’intégration. Puis le fait qu’elle soit sortie si facilement, c’est un bon signe pour l’avenir du groupe.

Lolu :Est-ce que vous allez la jouer ce soir ?
Griffin : Est-ce qu’on va la jouer ? … ouuaaiiss !
|b]Youssef : Ouais on va l’essayer un peu (Rires)
Griffin : On a appris à la jouer il y a trois jours ! Je me trompe toujours dans les paroles, et quand on a tourné le clip, je n’arrêtais pas de chanter les anciennes paroles, du coup on devait toujours tout stopper à cause de moi (Rires)
Youssef : On a enregistré le clip de la chanson l’autre jour, et ça va bientôt sortir ! [le clip est sorti cette semaine, ndlr]

Est-ce que vous pensez à un album pour bientôt ?
Griffin : Oui, on est en train de le composer. On avait quelques titres qu’on aurait aimé sortir en single avant, mais on attendait d’avoir LE bon morceau. Mais je pense qu’on le sortira en début d’année prochaine.
Youssef : C’est notre premier album en tant que groupe, donc on passe beaucoup de temps dessus. Tout à l’heure on évoquait tous ces classiques, et justement, on veut vraiment faire un album de ce genre.

Qui est votre producteur ?
Griffin : Pour l’instant c’est toujours Jim Pinder, et l’album a été mixé par Colin Richardson, qui a travaillé avec Trivium, Slipknot … donc c’est cool putain !

Quels conseils donneriez-vous à un groupe débutant sa carrière ?
Griffin : Toujours prendre un pantalon supplémentaire !
Youssef : Je vais encore parler de l’analogie du cheesecake, mais il s’agit vraiment d’avoir une bonne base, et construire tout autour.
Griffin : Pendant les répétitions, tu dois apprendre à fermer ta gueule et écouter les uns et les autres. Par exemple, quand tu veux écrire une chanson, que tu as une idée et que tu essaies de l’expliquer autres, le batteur commence à faire un jam dans son coin, ou quand tu essaies d’expliquer un riff et que le guitariste te coupe et joue quelque chose qui n’a rien à voir … j’ai essayé de monter 3 ou 4 groupes avant de rejoindre CYTOTA. J’ai arrêté d’ailleurs pendant plusieurs années parce que c’était juste le chaos, jamais une bonne atmosphère pour créer.
L’alcool est également super utile pour écrire des paroles (Rires) Enfin c’est ce que je pense ! Si j’ai les boules, je vais m’asseoir dans un coin dans un club et écrire. Et le lendemain quand tu regardes ce que tu as écrit tu te dis « putain c’est vraiment de la merde ! », et c’est comme ça que tu n’écriras plus de trucs bidons ! (Rires)
Youssef : Je pense que le travail constant est la clé. Dès que tu as un jour de libre, tu peux écrire, aller sur les réseaux sociaux pour parler de ton groupe, il y a toujours quelque chose à faire.
Griffin : Ouais c’est ça, et puis vivre cela. Je veux dire, si on a pu sortir le meilleur de nos chansons, c’est parce qu’on a travaillé sans relâche. Si tu fais ça de temps en temps, ce n’est pas bon parce que tu oublies complètement le flow, la vibe de la chanson. Il faut s’immerger. Par exemple pour moi écrire des paroles, c’est d’abord me demander de quoi parlera la chanson, et puis écrire tout ce qui me passe par la tête sur ce sujet jusqu’à ce que ça prenne sens.
Et puis utiliser son téléphone. Ça peut paraître stupide, mais pour enregistrer une mélodie qui te passe par la tête, c’est génial.
Youssef : Je fais souvent ça à la guitare d’ailleurs.
Griffin : Donc un conseil, ne regarde jamais son téléphone, tu trouveras des trucs bizarres (Rires)

Merci du conseil ! (Rires) Et merci pour votre temps les gars, c’était très sympa !
Griffin : Merci à toi !

Je remercie vivement Griffin et Youssef pour avoir partager ce moment avec moi, leur tour manager Max pour sa gentillesse sans borne, et Mitchell de Raw Power Management pour cette opportunité.