Interview ☭ An Pierlé & White Velvet

Le 8 décembre dernier, il neigeait… beaucoup. Paris était blanc c’est-à-dire complètement bloqué. Loin de la polémique engendrée par la météo, An Pierlé se réchauffait, un chocolat chaud dans la main, près du radiateur d’appoint d’un troquet du 10ème arrondissement. Quelques heures après, elle montait sur scène accompagnée de son White Velvet pour un magnifique set sur la scène de l’Alhambra. Rencontre et discussion autour de l’album « Hinterland » sorti chez Pias quelques semaines plus tôt.

Dans la présentation transmise par la maison de disque, tu parles du concept de périphérie. En quoi l’album se rapporte-t-il à ce concept ?
L’idée de la périphérie est un peu venue de l’artwork. On a confié cette partie à un ami en lui laissant une totale liberté. A l’aide de la musique, il est venu chez nous et a récupéré plusieurs éléments d’ambiance à travers des photos ou des dessins. Il a trouvé notre environnement assez féérique, en périphérie d’une certaine normalité. De là, a découlé le nom de l’Hinterland. C’est assez représentatif de notre musique aussi, on est depuis toujours à la périphérie de la chanson. On n’a pas fait d’énormes tubes mais on n’est pas non plus underground.

Pourquoi avoir choisi de jouer d’instruments que vous ne maîtrisez pas pour cet album ?
C’était une recherche d’inspiration. Chaque instrument a sa propre chanson, on voulait découvrir des chansons que l’on ne soupçonnait pas à l’aide d’instruments qu’on n’utilise pas habituellement. C’était une quête de simplicité aussi, quand tu ne sais jouer que 2 notes sur un instrument, tu dois quand même pouvoir sortir une mélodie qui tient la route. Pour ma part, je me suis mise à la guitare et j’ai beaucoup composé avec Garageband ce que je n’avais jamais fait auparavant. Koen a joué toutes les parties de batterie et de la basse, ce qui était nouveau pour lui aussi.

Est-ce que le fait d’être enceinte a influencé ta manière d’appréhender la création de cet album ?
Oui, je ne pouvais pas travailler aussi longtemps que d’habitude, j’ai aussi dû arrêter le piano. Pendant l’enregistrement, on était pris par le temps, il fallait que tout soit enregistré avant le huitième mois car après tu n’as plus de souffle. Cela nous allait bien puisqu’on voulait faire un album très immédiat. Avant j’étais beaucoup dans le détail, je voulais que chaque note soit parfaite alors qu’aujourd’hui je recherche plus le champ d’énergie et les petites faussetés qui rende le tout humain, finalement on n’est jamais touché par la perfection.

Malgré cette période heureuse, l’album reste souvent sombre. Qu’en penses-tu ?
Je le trouve plus profond que triste. Il y a beaucoup d’humour dans les paroles, on aime beaucoup ce type de contrastes. On a voulu créer des ambiances, certaines légères et d’autres moins. On essaye toujours de nous mettre dans un coin bien défini mais on a toujours pleins d’inspirations différentes, c’est difficile pour nous de faire un album très cohérent.

Malgré des structures simples et le succès d’ « Helium Sunset« , tu n’es jamais tombée dans le mainstream. Est-ce que tu attaches de l’importance à la vulgarisation de ta musique ?
Non, pas vraiment. Je ne choisis pas de tout manière et si j’avais le choix, je ne voudrais pas le prendre. Il faut se contente de faire ce qu’on sait faire, les mélodies sont effectivement accessibles mais il y a une recherche derrière qu’il faut préserver.

Pourquoi revenir à une formation plus serrée pour le live ?
On était 4 sur la tournée d’ « Helium Sunset« , puis une dizaine sur la dernière tournée. On avait fait ce choix car il y avait beaucoup d’arrangements mais on s’est rendus compte sur la durée que ça n’allait pas. C’était très compliqué logistiquement dès qu’on voulait tourner à l’étranger et la musique était moins directe. On ne veut plus reproduire le disque à l’exactitude. Au début, c’était difficile pour moi de revenir à cette formule car le contact avec le public est très simple lorsque tu arrives en tant que simple chanteuse soutenue par plusieurs musiciens. Maintenant je dois rejouer et chanter en même temps, je dois aller chercher le public seulement par l’honnêteté de ma musique. C’est plus difficile mais c’est aussi beaucoup plus fort à vivre.

Est-ce que ta formation théâtrale t’influence lorsque tu montes sur scène en temps que musicienne ?
Non parce que je ne peux pas me perdre dans le théâtre alors que je peux le faire dans la musique ce qui signifie que je ne suis pas une bonne comédienne. (rires) En tant que musicienne, j’ai le sentiment de jouer dans le sens premier du terme, de me laisser porter par l’énergie qu’il y a dans la salle et par tous les choix de détails qui s’offrent à moi.

Il y a quelques années, tu disais que jouer devant un petit public était un acte de résistance face aux tourneurs qui en demandent toujours plus. Es-tu toujours de cet avis ?
Oui, c’est dans l’air du temps de toujours vouloir faire grandir les artistes, on ne veut pas se laisser prendre dans cette dynamique. Lorsque cela vient naturellement, ça fonctionne mais si c’est un but en soi, on commence à s‘adapter et là c’est très mauvais. On aime bien jouer dans les grandes salles mais on préfère être dans une petite salle et jouer deux soirs avec un vrai contact. Il y a tellement de musiques disponibles aujourd’hui, soit tu commences à vouloir suivre le mouvement, soit tu essayes de rester intègre pour mieux fidéliser ton public.

Vous avez collaborés avec Girls In Hawaii en 2008, est-ce un exercice que vous aimeriez renouveler avec d’autres artistes wallons ?
On est plutôt contre les duos sur le papier, mais s’il y a un échange pourquoi pas. Avec les Girls, le contact s’est fait très naturellement. On s’est tout de suite sentis proches, Koen a travaillé par la suite sur l’album d’Hallo Kosmo, nous tournons avec leur ingé lumière. Il faudrait retrouver un échange de ce type pour nous donner l’envie de collaborer avec d’autres artistes.

Est-ce que ta maison de disque te pousse toujours à faire un album en français ?
C’était le cas quand on avait fait la reprise de « Il est 5 heures » de Jacques Dutronc. On a essayé de traduire des chansons en français mais ça ne fonctionnait pas. Il faudrait qu’un parolier nous approche et nous comprenne bien. Il y a beaucoup de mots en français et ils ont un sens très important, c’est très difficile à apprivoiser quand ce n’est pas ta langue maternelle.

Pour finir, projettes-tu de refaire un album solo bientôt ?
Oui, j’ai envie de faire un album très orienté piano-voix mais cela nécessite beaucoup de temps donc je ne sais pas quand ça sortira.

Merci à An et à Jean-David.